Les courts doigts de la demoiselle martelaient le clavier, avec l'agilité digne de celle d'un pianiste renommé, tandis que son regard était tout à fait désintéressé de l'écran qui projetait sur son visage une lueur blafarde et agressive, comparé à l'obscurité de l'exigüe pièce. Les pupilles d'ébène de Yu Hee, étant bien trop occupées à parcourir les notes qui avaient été griffonnées sur un papier laissé sur un bureau encombré de feuilles et de matériel informatique, ne vérifiaient même plus les potentielles fautes d'orthographe qui pouvaient s'afficher sur le document qu'elle tapait. Ses yeux, soulignés de cernes par la fatigue due à de nombreuses heures de travail devant un ordinateur, peinant à demeurer ouvertes devant les lignes griffonnées à l'encre noir, ne demandaient qu'à être plongé dans l'obscurité du sommeil... Ce qui était un bien vain espoir, quand on savait que la jeune femme renonçait à leur accorder répit avant que la nuit ne soit tombée, et ce même si elle n'avait pas dormi depuis plus de vingt-quatre heures.
Finalement, une des mains quitta le clavier pour se poser sur une souris qui vint rapidement cliquer sur un icône prévoyant la sauvegarde de ce précieux document sur lequel elle travaillait depuis de nombreuses heures. Chose faite, les lèvres rebondies laissèrent échapper un soupir partagé entre soulagement et lassitude, alors que la demoiselle s'étirait tel un félin sur sa chaise à roulette. Quittant quelques laconiques instants l'écran des yeux, elle porta à sa bouche une tasse dont elle avala une longue gorgée d'un liquide tiède et sombre, dont le goût atrocement amer lui arracha une grimace à peine dissimulée... Décidément, la caféine n'avait pour seul atout que de la tenir éveillée.

La jeune femme était contente – et plutôt fière – d'avoir terminé la rédaction de ce document que l'on lui avait demandé plusieurs jours auparavant. Car si sa curiosité naturelle était de mise pour partir à le pêche aux informations, sa fainéantise était tout autant un véritable obstacle dans la finalisation de son travail... Aussi généralement la demoiselle se contentait elle de laisser ses recherches sous forme de notes concises, mais de toute évidence, cela ne convenait pas à la plupart de ses clients, ce qui l'ennuyait véritablement.
Maintenant ce dur labeur achevé, la hacker ne se leva pas pour autant de son trône, tendant tout juste le bras pour verser dans sa tasse le contenu à moitié froid du récipient de verre qui se trouvait au milieu d'un fouillis de papiers et de fils. De nouvelles gorgées furent ingurgitées en silence, tandis que le regard se posait à nouveau sur l'écran.

Il y avait quelques jours de cela, elle avait vu sur Requiem une demande plutôt incongrue, venant vraisemblablement d'une chasseuse qui planifiait de venir au Japon pour prêter main forte aux chasseurs se trouvant sur place. Apparemment, elle semblait être des indépendants, et c'était de ce fait d'autant plus étonnant, mais Yu Hee avait éventuellement envisagé de donner un coup de main à la chasseuse en question... Mais pas sans frais, bien entendu. Certes, la japonaise acceptait de trahir l'Ordre de Tenkyû pour collaborer avec des indépendants, mais ce n'était pas sans rien en retour, de toute évidence. Mais finalement, elle ne s'était pas manifestée, s'attendant à ce que d'autres personnes se portent volontaires. Après avoir jeté un rapide coup d'œil aux autres catégories, elle revint tout de même sur le sujet en question pour voir ce qu'il en était. Elle ne fut pas étonnée en constatant que Natsuki s'était manifesté pour dire que ça serait sans lui, suite à quoi un certain Madara avait surtout mis la demoiselle en garde quant aux Kuromiya... Ce qui était un conseil avisé, vu l'influence de ces derniers au sein de Tôkyô. Ne voyant guère qu'ajouter, la japonaise ferma rapidement la fenêtre avant de ramener contre elle ses courtes jambes, demeurant perplexe. Certes, elle avait grâce à son emploi et son matériel les moyens de trouver cette dénommée Lin Yao, mais l'envie n'était pas tout à fait là, n'étant pas sûre d'y trouver son compte. Pourtant, sa curiosité était piquée, aussi lança t-elle une brève recherche sur cette chasseuse étrangère, sans pourtant tomber sur des éléments bien concluants. Tout juste une photographie sur laquelle on pouvait voir une jeune femme au visage typé, encadré d'une longue chevelure noire.. Mais rien d'autre. Ou tout du moins, Yu Hee n'avait pas la foi pour en chercher davantage. Et s'il fallait trouver cette demoiselle dans Tôkyô à partir de ce seul portrait, autant lâcher l'affaire, tant cela relevait de l'impossible.
Soit... C'est bien rapidement que ces pensées furent chasser de son esprit, son corps se déplient à nouveau pour fouiller dans ses papiers. N'étant pas surchargée de travail ces derniers jours, elle avait donc tout son temps pour se concentrer sur un travail de recherche personnel, qui pourrait être un gagne-pain par la suite.

Elle avait eut vent de découvertes macabres aux alentours du sanctuaire Nogi, aussi soupçonnait elle qu'un vampire ne se balada aux alentours depuis quelques temps. Consultant ces quelques rumeurs qu'elle avait noté, elle songea que se rendre sur les lieux pour réaliser par elle même les faits serait sûrement le plus utile. Aussi se leva t-elle, se dirigeant vers la fenêtre pour en ouvrir les volets. La lumière tamisée d'un soleil caché d'épais nuage envahi son appartement, l'aveuglant légèrement. Il n'était pas encore trop tard, et éviter de se rendre à endroit où traînait un vampire assoiffé une fois la nuit tombée était certainement moins kamikaze que de le faire une fois le soleil couché. Se préparant rapidement, elle sortie avec du matériel pour éventuellement prendre quelques photographies si cela s'avérait utile, ainsi qu'un attirail pour prendre des notes, tout en songeant que prendre les armes serait bien inutile...

Dévalant rapidement les escaliers de son immeuble, filant jusqu'au métro le plus proche, fondue dans la foule, imperceptible, le trajet jusqu'au sanctuaire fut relativement rapide, même si un changement d'arrondissement fut nécessaire. D'un pas pressée, elle longea les rues bordées d'immeuble, n'accordant pas même un coup d'œil à l'imposante tour de fer rouge et blanc que l'on apercevait aux alentours, pour finalement faire face à un havre de paix et de silence. S'accordant à peine quelques secondes pour reprendre son souffle après sa marche pressée, la japonaise considéra le torii de bois auquel elle faisait face, d'un regard à la fois intrigué et flegmatique... Elle n'était guère fascinée par les lieux tels que les temples et sanctuaires, et n'était qu'une piètre pratiquante. Rejoignant finalement une cours centrale où demeurait calme, la demoiselle en vint à se demander si un décor aussi calme pouvait bien être le théâtre d'un repas vampirique... Mais après tout, se fier à ses impressions premières n'étaient certainement pas la meilleure des choses à faire.

Moins pressée, et plus à l'affût de détails, Yu Hee remarqua que les lieux semblaient déserts de toute présence humaine, ce dont elle ne se plaignait absolument pas. Travailler au sein d'une foule de touristes serait sûrement davantage une corvée qu'autre chose, et elle n'aurait sût laisser libre cours à sa curiosité en de telles circonstances. Or, au moment présent, elle pouvait s'intéresser au quelconque petit détail que ses yeux pouvaient capter, prenant des photographies à souhait, bien qu'elle douta que cette pratique soit appréciée en un tel lieu. Mais peu importait... Après tout, il en allait de la vie de certains humains, tâchait elle de se convaincre.
Pourtant, la japonaise ne trouva rien. Absolument rien, ou tout du moins, rien de véritablement intéressant, ou qui puisse constituer un indice ou un élément d'information assez intéressant. Bredouille, la japonaise était plutôt déçue de s'être déplacée pour rien sur place, mais elle ne s'en alla pas pour autant. Tant qu'à y être, la jeune femme allait manifester une bride d'intérêt pour ce lieu dans lequel elle se trouvait. Rejoignant l'intérieur, elle découvrit quelques vitrines derrière lesquelles étaient exposées armes et autres objets d'époque. Silencieuse malgré ses pas qui grinçaient sur le sol, elle tâchait tant bien que mal de ne pas déranger une personne qui se recueillait à quelques mètres de là.

Les minutes passèrent en silence, durant lesquelles la japonaise feignait un intérêt pour les somptueux décor, profitant davantage du calme ambiant que des merveilles exposées en ce lieu. Le pas traînant sur le sol, le visage levé en l'air, elle jeta tout juste un coup d'œil à l'inconnue, qui ne semblait être japonaise, à vue de son minois. Et bien que cette laconique considération fut tout à fait anodine, cette figure intriguait la jeune chasseuse, qui songea que ces traits étaient anormalement semblables à ceux qu'elle avait vu il y avait tout juste une heure sur son écran. N'étant guère une habituée de l'approche des inconnues, la japonaise hésitait à se risquer à une hypothèse foireuse quant à l'identité de la personne, mais sa curiosité au moment actuelle était bien trop vive pour être niée et oubliée. Donc autant se risquer, quitte à se planter... Ou quitte à ne pas savoir qu'ajouter une fois que l'identité de l'inconnue serait confirmée.

S'approchant en silence, c'est à un mètre d'écart que l'androgyne s'assit en tailleur, feignant de vouloir se recueillir elle aussi. Yeux clos, respiration calme, malgré son cœur qui accélérait dans la crainte de faire une erreur, un murmure franchit ses lèvres tout juste entrouvertes, à peine perturbé :



Doucement, ses paupières se levèrent à nouveau, tandis que son visage se tournait timidement vers sa voisine, pour la fixer d'un regard sombre et calme.

Comme quoi, miser sur le bluff et l'incertitude pouvait se dévoiler être la chose la plus judicieuse qui soit en certaines circonstances... Et à cet instant même, la jeune japonaise était satisfaite d'être passée outre ses doutes, pour oser faire une hypothèse qui avait de grandes chances d'être fausse. Certes, les chances de trouver une jeune femme vraisemblablement chinoise dans l'immense population de Tôkyô étaient aussi maigres que de trouver une aiguille dans un tas de paille, mais il fallait croire que le hasard faisait bien les choses quand il le fallait. En apparence calme, c'est une déglutition qui aurait put trahir son manque de confiance en elle, qui n'était alors pas de mise. En effet, la demoiselle à la longue chevelure d'ébène semblait confirmer son identité quand elle demanda alors à qui elle avait affaire.
Bien que toujours aussi stoïque, c'est tout de même un hochement de tête discret et un léger soupir lâché qui dévoilèrent son soulagement. D'une voix toujours aussi posée, elle se présenta simplement alors à son interlocutrice, comme cette dernière le lui avait demandé ;



Considérant encore quelques secondes le profil de sa vis-à-vis, une question traversa néanmoins son esprit encore dubitatif ; pourquoi avait elle prit l'initiative de parler à cette inconnue ? C'était très certainement sa curiosité qui l'avait poussée à agir de la sorte, et pourtant elle le regrettait quelques peu désormais. Sûrement Lin Yao estimait elle que Yu Hee l'avait suivie dans l'unique but de répondre à sa proposition de rencontre, or ce n'était absolument pas le cas. Mais en même temps, la japonaise ne pouvait pas filer maintenant comme une voleuse, en déclarant qu'elle avait simplement voulue s'assurer de l'identité de la chasseuse. Mais mentir sur ses intentions lui apparaissait comme tout aussi peu honorable. De toute évidence, elle verrait bien où cette conversation la mènerait, et puis elle pouvait tout aussi bien laisser à Lin Yao quelques brides de renseignements, histoire de se donner bonne conscience, et de ne pas s'être déplacée pour rien.
Mais soit, elle n'en était pas encore là, aussi se contenta t-elle d'ajouter simplement, pour éviter de laisser l'arrivante dans le doute et l'illusion ;



Tout du moins, pour Lin Yao. Sûrement cette dernière devait avoir le sentiment de se trouver en face d'une personne relativement antipathique, or là n'était pas l'intention de Yu Hee, qui voulait seulement mettre les choses au clair.
L'androgyne, n'en pouvant plus de rester assise en seiza, elle se releva rapidement, sans pour autant avoir l'intention de quitter les lieux. Après tout, elle n'avait pas terminé son travail de recherche, et elle n'avait pas envie de partir sans avoir un quelconque indice, aussi infime soit il. Observant le musée, elle se doutait bien qu'elle ne trouverait rien à l'intérieur, et que les seuls intérêts se trouveraient plutôt à l'extérieur, bien qu'elle n'ait rien aperçu de flagrant quelques instants auparavant.
Un pas hésitant grinçant sur le sol de bois meublant le silence pesant entre les deux jeunes femmes, Yu Hee n'était pas pour autant mal à l'aise d'avoir éventuellement désillusionnée cette quasi-inconnue. S'approchant d'une vitrine pour feindre un soudain intérêt pour les objets exposés auxquels elle avait jeté un laconique coup d'œil quelques minutes auparavant, elle dit pourtant d'une voix faiblarde et flegmatique :



Bien entendu, Yu Hee avait parfaitement conscience que c'était audacieux que de faire une nouvelle hypothèse quand à sa vis-à-vis... Car peut-être cette dette dernière se trouvait en ces lieux de façon parfaitement anodine. Mais mine de rien, c'était une manière comme une autre de savoir si l'étrangère avait déjà entrepris un quelconque travail de recherche sur les vampires qui se trouvaient dans la ville, où sur les corps vidés de sang que l'on avait put retrouver. Ou peut-être encore, une perche que Yu Hee tendait à Lin Yao pour lui faire comprendre qu'elle était disposée à l'aider dans une certaine mesure.

Yu Hee essayait elle de tendre une perche à Lin Yao, en lui faisant comprendre que les vampires avaient déjà bel et bien frappé en ces lieux ? Quand on observait davantage à quoi elle avait fait allusion lors de ces derniers mots, cela ne faisait aucun doute... Et pourtant, la demoiselle restait elle même perplexe face à un comportement qui lui était si atypique. Pour une personne qui, comme elle, gardait jalousement ses informations tant qu'elle n'était pas payée, c'était une première que de dévoiler de telles brides sans que l'on ne lui ai rien demandé... Néanmoins, on ne pouvait pas dire qu'elle éprouvait une quelconque pitié pour sa vis-à-vis ; après tout, elle ne le serait pas permis. Comment peut on éprouver de la pitié pour une personne qui en apparence a l'air si lambda, et avec qui on l'a tout juste échangé quelques mots ? Si Yu Hee n'était pas des plus sympathique, elle était pourtant loin d'être irrespectueuse et méprisante... Mais passons. Sûrement était ce malgré elle qu'elle avait voulu donné un petit coup de pouce à cette nouvelle arrivante sur le sol japonais, voilà tout.

Mais de toute évidence, Lin Yao était en effet ignorante de ce qui s'était passé en ces lieux... Tout du moins, c'est ce que sa réaction laisse paraître, ce qui est confirmé par ses prochaines paroles. Elle déclara alors qu'elle s'était rendue au sanctuaire Nogi en simple touriste, et qu'elle était tout juste arrivée dans la capitale... En effet, elle n'avait sûrement pas encore eut vent des corps qui avaient été retrouvés ici, vides de sang. A vrai dire, Yu Hee elle même avait eut quelques peine à obtenir ces informations. De toute évidence, on voulait éviter que ces macabres découvertes fassent du bruit et n'entachent la réputation du sanctuaire, ce qui était on ne peut plus compréhensible.
En simple guise de réponse, Yu Hee leva à nouveau son regard placide vers son interlocutrice, hochant simplement de la tête à sa question, avant de reporter son intention sur les objets exposés en vitrine, qu'elle parcourait d'un regard peu intéressé. Dévoilant sa pensée à voix haute, elle poursuivit ses paroles quand à sa venue ici :



En effet, Yu Hee n'était pas des plus douées pour faire la conversation, ce qui se montrait via le fait que ces derniers mots avaient été davantage marmonnés qu'autre chose. Certes, elle avait parfaitement conscience que cet aspect n'était des plus plaisants, mais elle ne s'en formalisait pas outre mesure. Mais bien rapidement, sa voix se fit plus haute, quand on son regard se tourna vers l'extérieur :



Silencieuse, la jeune femme observa encore le paysage extérieur. Une cours déserte, des arbres aux branches frêles et presque dépouillées de feuilles, dont les mourantes crissaient sur le sol, poussées par le souffle d'une brise légère... Tout ceci éclairé par une lumière qui s'atténuait e plus en plus. Bien qu'elle ne soit pas des plus loquaces, Yu Hee aurait néanmoins voulu en savoir davantage sur sa vis-à-vis qui venait tout droit de Chine. Se retournant vers la concernée, elle lui demanda alors :



Non pas que Yu Hee ait l'intention de lui en dévoiler plus qu'elle ne l'avait déjà fait... Disons plutôt qu'elle voulait savoir à qui elle avait affaire présentement.

Que dire de la situation actuelle ? Il aurait été certainement avisé de dire qu'elle n'était pas des plus plaisantes, sans pour autant être désagréable, mais était loin d'être détendue. Il est vrai que l'idée de poser à Lin Yao quelques questions pour la mettre plus à l'aise avant de passer aux discussions plus professionnelles aurait été judicieux... Mais n'était certainement pas chose qui était passé par l'esprit de Yu Hee, qui avait pour habitude de se contenter du strict minimum en matière de conversation. Et à vrai dire, jouer directement cartes sur table et passer à des sujets sérieux directement ne lui posait absolument aucun problème, même si elle admettait que ce n'était sûrement pas ce qu'il y avait de plus agréable pour ses interlocuteurs... Mais soit, on ne se change pas quand on a vingt-quatre ans. Et Lin Yao se montrait fair-play sur ce domaine, répondant à chaque interrogation avec politesse et respect, ce qui contentait parfaitement la demoiselle aux origines coréennes.
Sa vis-à-vis lui expliqua alors qu'elle s'était contentée de de consulter les fiches qui avaient été mises sur Requiem, qui consistaient les seules informations plausibles qu'elles détenaient... Ce qui était compréhensible. Bien entendu, d'un point de vue tout à fait subjectif, Yu Hee trouvait ce travail de recherche quelques peu légers, mais elle se garda bien de le faire remarquer, ne voulant pas passer pour plus antipathique qu'elle ne l'était déjà. Et puis, il n'était pas donné à tout le monde de faire des travaux de recherches aussi pointus qu'elle ne le faisait, saisissant des données d'une manière illégale. Et si Lin Yao avait la chance de rencontrer un chasseur coopératif, elle serait bien rapidement au vent des diverses rumeurs qui courraient sur les ruelles de Tôkyô, une fois la nuit tombée, donc elle n'était pas blâmable. Et dans un sens, la jeune femme chinoise avait raison, en disant que les fiches que l'on trouvait étaient quasiment les seules informations fiables sur lesquelles on pouvait tomber... Combien de fois, depuis qu'elle était chasseuse, Yu Hee était elle tombée sur des informations fausses ? Elle n'aurait sût dire, mais c'était certainement un nombre non négligeable... Bref.
Quand sa vis-à-vis exprima le fait que c'était par envie d'avoir davantage de connaissances sur le sol nippon en matière de vampires, qu'elle avait exprimé l'envie de rencontrer un quelconque collègue, la jeune japonaise lui dit alors simplement :



Bien entendu, elle avait précisé « la quasi totalité des membres de l'Ordre », ce qui ne signifiait pas tous... Car elle aurait sût que ce n'était pas la vérité. Plus d'une fois, elle avait accepté elle même de revendre quelques unes de ses informations à des indépendants, se gardant bien de le montrer à ses collègues. Même si elle n'était pas spécialement attachée à ce rang que lui avait légué son père, elle ne souhaitait pas le quitter pour autant... Elle y appartenait, dans une certaine mesure.
Vint ensuite la question du parcours de chasseuse de Lin Yao... Auquel Yu Hee ne vit rien à ajouter. Bien sûr, quand elle avait considéré la jeune femme quelques instants auparavant, elle n'avait certainement pas remis ses compétences en question, mais alors là, elle ne pouvait que reconnaître son potentiel. Un tel tableau de chasse était appréciable, et la japonaise était loin de pouvoir se vanter d'en avoir un aussi bien fourni. Cette aide serait sûrement des plus utiles sur le sol japonais, qui comme l'avait précisé Lin Yao, grouillait de vermine vampirique. En guise de respect devant une telle aptitude à la chasse, la demoiselle hocha la tête d'un air convaincu et quelques peu impressionné – même si son visage n'en laissait paraître que quelques brides seulement. L'idée de remettre sa vis-à-vis en cause quant à la prétention qu'elle pouvait avoir en disant qu'elle venait prêter main forte aux japonais ne lui traversa pas même l'esprit. D'un côté, car ce n'était certainement pas dans son caractère, mais d'un autre car elle n'aurait certainement pas son mot à dire à ce sujet, se contentant généralement du rôle d'informatrice. Quand Lin Yao lui demanda alors indirectement s'il y avait des consignes à respecter, Yu Hee demeura songeuse quelques laconiques instants, avant de reprendre la parole à son tour :



Après tout, rien n'empêchait Yu Hee de donner quelques tuyaux à sa vis-à-vis, ça lui coûtait rien.
Néanmoins, elle avait la soudaine impression de faire passer les membres de son ordre pour des personnes fermées qui restaient entre elles... Ce qui d'une certaine façon, était vrai, mais pas dans son cas. Alors, pour la première fois depuis le début de cet entrevu, elle accorda un sourire léger à sa vis-à-vis, ajoutant :



Abandonnant son sourire, elle fit quelques pas, silencieuse, considérant le sol, pour ajouter certaines paroles qu'elle disait plus pour elle même :



Qui sait ? A vrai dire, Yu Hee ne perdait rien à faire comprendre à Lin Yao qu'il lui arrivait de travailler avec des indépendants en échange d'une rémunération. C'était peut-être l'occasion de se faire un nouveau gagne pain.

Vraisemblablement, l'interlocutrice de Yu Hee semblait rassurer en entendant les propos de sa vis-à-vis... Le nouveau sourire et les quelques mots qu'elle lui adressa en était la preuve même. Bien entendu, la jeune femme aux origines coréennes pouvait comprendre ce sentiment de soulagement ; quand presque tout le monde à vous faire comprendre que les personnes de l'Ordre de Tenkyû n'étaient par forcément des plus agréables, et que de fait, lorsqu'un de ces membres se dévoilait disposée au dialogue et à l'échange avec des indépendants... Et bien c'était comme en quelques sortes une lueur d'espoir, qui pouvait pousser autrui à songer que tous les membres de l'Ordre ne se trouvaient pas tous dans le même panier. La japonaise ne se vantait certainement pas d'être hors de ce cliché que l'on avait des membres du rang auquel elle appartenait, mais elle n'en était pas dénuée d'une certaine fierté. Même si sa conduite allait à l'encontre des principes qu'on lui avait imposée, elle était heureuse d'agir comme elle le voulait sans pouvoir se faire pincer... Et dans un sens, si elle venait à être chassée de l'Ordre, il n'était pas dit que cela affecterait des masses cette demoiselle aux airs si stoïques. Qu'elle soit de Tenkyû ou non, elle songeait que rien ne pourrait véritablement l'empêcher de faire le travail qu'elle voulait, comme bon lui semblait... Et ce, même si elle participait de temps à autres à l'activité de Requiem pour éviter d'attirer de quelconque soupçons sur sa personne et ses petites manigances.

Ainsi donc, Lin Yao considérait cette rencontre fortuite comme de la chance... Dans un certain sens, oui. Sûrement la jeune femme aurait elle put tomber sur un interlocuteur plus déplaisant encore que Yu Hee, ou pire, un membre de l'Ordre terriblement entêté. Mais elle aurait tout aussi bien put rencontrer quelqu'un qui se serait montré plus aimable et avenant à son égard, ce à quoi Yu Hee avait cruellement manqué. Aussi, la japonaise se passa t-elle de commentaires à ce sujet, se contentant tout juste d'observer sa vis-à-vis avant que son attention ne se reporte sur ses chaussures.

Un nouveau silence s'instaura entre les deux chasseuses, qui fut bien rapidement brisé par l'arrivée de la personne responsable de l'accueil. Cette dernière leur expliqua rapidement que le musée fermerait d'ici dix minutes, et que de fait, elles étaient priées de partir. Elle fut d'autant plus étonnée quand la demoiselle chinoise confirma qu'il était déjà dix-huit heures trente... Inspirant avant de lâcher un bref soupir quelques peu contrarié, la japonaise était quelques peu crispée. Elle s'était rendue ici avec une intention bien précise, celle de trouver des informations. Et non seulement, elle n'avait rien trouvé lors d'un premier tour, mais non seulement elle avait perdu quelques précieux instants qui auraient pu lui être utiles dans cette recherche... Mais enfin, elle ne fit aucune remarque à voix haute, se contentant juste de re-adopter cette expression stoïque qu'elle adoptait bien souvent. Et puis en soit, ce n'était pas vraiment du temps perdu, songea t-elle, puisqu'elle s'était rendue utile, même si ce n'était pas pour son profit.

Alors que les jeunes femmes se dirigèrent vers l'extérieur en un silence, qui n'était pas de gêne, Lin Yao reprit pourtant de nouveau la parole pour poser une question à la japonaise, qui fut quelques peu étonnée par une telle interrogation. A vrai dire, on ne l'avait jamais véritablement interrogée sur son parcours jusqu'à là, et ce qui l'avait poussé à devenir ce qu'elle était. Sans la moindre intention de mentir à sa vis-à-vis sur son parcours, Yu Hee répondit d'une voix plate ;



Certes, elle ne répondait pas tout à fait à la question... Marquant un petit temps d'arrêt pour reprendre son souffle, elle poursuivit du même ton ;



Une fois encore, Yu Hee jouait cartes sur tables... Mais d'une certaine façon, elle songeait qu'une personne à qui elle avait conseillé de ne pas se frotter aux membres de l'Ordre, n'allait pas s'empresser d'aller crier ce fait sur tous les toits. Et de plus, la japonaise n'était pas du genre à mentir, quand elle pouvait avoir l'occasion de dire la vérité. Bien entendu, son discours n'aurait pas été le même avec un de ces collègues, mais en l'occurrence elle n'avait aucune raison de mentir à Lin Yao, donc autant dire quels étaient les faits.

De toute évidence, il aurait put paraître étrange que la jeune femme déclare avec autant de sincérité qu'elle n'était pas tant attachée à l'Ordre de Tenkyû. Sous la pression de ses parents, Yu Hee aurait put vouer à cette organisation un attachement certain, et il n'en était pourtant rien. Sa seule vocation était de fouiner et chercher dans les dossiers qui ne la gardaient pas, seulement. De fait, cette prédestination pouvait coller au travail de chasseur, dans une certaine limite... Et ça lui convenait. Elle n'avait pas joué à l'adolescente rebelle refusant de marcher dans les traces de ses parents, et avait accepté sans broncher de rejoindre les rangs. Après tout, c'était un boulot comme un autre, ni plus ni moins. Peut-être plus dangereux, mais du fait que Yu Hee se faisait rare sur le terrain, elle ne courrait pas grand danger.
En tout cas, si elle avait été sincère et directe, elle n'en attendait pas tant de Lin Yao. Non pas qu'elle songeait que la jeune femme chinoise ne soit pas franche, mais elle ne s'attendait pas à ce que son interlocutrice lui donne à son tour les raisons qui l'avaient poussée à devenir chasseuse. Mais soit, c'était toujours bonne chose à apprendre quand il était question de faire connaissance. La japonaise resta néanmoins de marbre face aux déclarations morbides de sa vis-à-vis, sans savoir qu'ajouter. Elle avait également perdu ses parents, mais cela ne lui avait fait ni chaud ni froid... Peut-être était elle rancunière à sa manière vis-à-vis de ses parents de lui avoir imposer un avenir, ou alors était elle tout simplement trop peu démonstrative. Et d'un certain côté, sa mère n'était pas tout à fait morte, elle était juste tombée du mauvais côté quand Yu Hee était encore jeune, et elle n'avait depuis plus jamais eut de nouvelles d'elle. Mais elle s'attendait bien à lui faire face un jour...

Aussi, tandis que la jeune femme aux origines coréennes fixait calmement son interlocutrice, s'attendant à ce que cette dernière ajoute encore quelque chose, cette dernière attira son attention sur un détail. Tournant le visage, elle remarque bien vite les bandelettes jaunes recouvertes d'écritures noires... Typiques d'une scène de meurtre. Yu Hee en avait presque oublié qu'elle était venue sur place pour une investigation. Elle se contenta tout juste de dire ;



S'approchant à grand pas, elle observa dans un premier temps l'endroit dans sa globalité, avant de passer en dessous des bandelettes après s'être assurée que personne ne soit en mesure de l'en empêcher. Et elle supposa que ce n'est certainement pas Lin Yao qui le ferait.
Ce fut dans un premier temps les tâches de sang séchées qu'elle remarqua, ayant laissé une teinte plus sombre sur le sol terreux. Mais vraisemblablement, la végétation alentour n'avait pas été affectées par de quelques éclaboussures. Des bandelettes de blanches avaient été posées au sol, vraisemblablement à l'endroit où les corps avaient été déposés. Soupirant, la jeune femme lâcha une remarque qui l'avait toujours travaillée ;



Yu Hee n'était pas vraiment du genre pessimiste, mais réaliste et objective. Mais sûrement sa remarque devait elle sembler vague à Lin Yao, aussi ajouta t-elle en tournant le regard vers cette dernière ;



Sûrement la censure cachait elle bon nombre de ces massacres, mais tout de même... La japonaise était très sceptique quand à la présumée ignorance des humains.

La conversation prenait une tournure intéressante, c'était chose sûre... Tandis que Yu Hee tâchait de repérer différents indices sur le lieu, son interlocutrice, qui était restée de l'autre côté que les bandelettes, indiqua qu'elle était d'accord avec l'hypothèse formulée par la japonaise. Néanmoins la jeune femme développa davantage, ajoutant que les humains n'avaient généralement que faire des atrocités quotidiennes, tant qu'elles ne venaient pas bousculer leur individualité... Et si par « chance » ils avaient conscience de cette vérité, il se dévoilait généralement bien plus judicieux de se taire pour conserver ce masque de paix qui camouflait si bien la vérité. L'informatrice avait simplement aborder le sujet par souci de faire la discussion, et non pas tant pour partir sur un débat, mais la tournure lui convenait parfaitement ; elle affectionnait bien plus les conversations approfondies que les bavardages fait sur la surface des choses. Se désintéressant quelques instants de son travail d'investigation, elle tourna le visage vers sa vis-à-vis, l'observant pendant qu'elle parlait. Et au final, la japonaise n'était que trop d'accord avec le discours de Lin Yao, tout aussi triste et décevant soit-il. Non pas dans la réflexion faîte, mais plutôt dans la réalité qu'il dévoilait, bien entendu.
Imperturbable jusqu'à ce qu'elle ait terminé, la demoiselle hocha finalement la tête pour exprimer son accord sur la question. Sa collègue n'avait certes exprimé aucun avis subjectif quant à tout ceci, aussi la japonaise se le permit ;



Après tout, l'existence des buveurs de sang n'était à la base qu'une légende. Aussi, si l'on commençait à admettre qu'ils existaient véritablement, qui sait quelles autres créatures de contes pourraient être considérées comme existantes ? Déjà les superstitions admettaient elles que la forêt d'Aokigahara était peuplée d'âmes déchues... Et au final, comme Lin Yao l'avait dit auparavant, mieux valait rester dans l'ignorance. Au moins cela avait il l'avantage de nous donner l'illusion de pouvoir vivre paisiblement, sans l'ombre d'un danger réel et palpable.

Finalement, la chasseuse indépendante reprit la parole, tout en s'avançant, pour demander à son interlocutrice si elle avait une quelconque idée de l'auteur du crime qui avait eut lieu ici. Revenant à son observation, Yu Hee devait se rendre à l'évidence ; elle ne trouverait sûrement guère d'informations ici... Et il était difficile de juger par les décors quel vampire avait put casser la croûte ici. Et puis, c'était à supposer que le crime avait bien eut lieu ici ! N'étant pas de la police, il était difficile de mener une véritable enquête, aussi avoua t-elle, regardant toujours l'environnement ;



Finalement, elle se tourna de nouveau vers son interlocutrice pour ajouter ;



A y songer, Lin Yao avait sûrement déjà entendu parler maintes fois du vampire en question. Selon sa fiche vampirique sur Requiem, il avait été en Chine durant de nombreuses années avant de venir sur Tôkyô... Aussi l'intérêt de Yu Hee fut soudainement piqué, ce qui la poussa à poser cette question ;

Quand Yu Hee aborda le sujet de la Bête du Xiang, Lin Yao resta aussi calme qu'elle l'avait été jusqu'à dès lors, avant de confirmer l'hypothèse de son interlocutrice. Elle expliqua alors qu'une opération massive avait été mise en place pour coincer ce vampire fort particulier, qu'on se risquait des fois à qualifier de loup-garou, à laquelle elle avait participé. Pas moins de deux cent chasseurs, et quatre nuits à le traquer sans le moindre répit... Il y avait de quoi attiser l'admiration de Yu Hee. Jamais au Japon, il n'y avait eut de tel regroupement, du moins à sa connaissance. Tout du moins, pas chez les chasseurs indépendants... L'informatrice ne se risqua pas à demander si cette opération avait porté ses fruits, car ça aurait été là chose stupide ; si la Bête avait été coincée, elle ne se trouverait pas aujourd'hui au Japon... D'ailleurs, la jeune femme affirma bien rapidement l'échec de la mission, ce qui laissa Yu Hee... Totalement stoïque, pour changer. Bien sûr, elle n'en pensait pas moins ; il était triste de constater que toute cette organisation s'était dévoilée futile, mais elle reconnaissait la noblesse de l'acte. S'imaginant quelques instants à la place de sa vis-à-vis, Yu Hee imagina qu'aborder ce sujet n'avait pas été chose des plus avisées, et sûrement cela devait quelques peu froisser Lin Yao. La japonaise se prépara d'ailleurs à présenter des excuses à ce sujet – malgré son masque de neutralité, elle n'en demeurait pas moins capable de reconnaître ses tords -, mais elle n'en eut pas le temps. Sa collègue sortit son téléphone qui vibrait, indiquant vraisemblablement un appel ou un message. A voir Lin Yao porter le cellulaire à son oreille, il s'agissait là d'un appel.
Profitant de cet instant pour continuer à observer les alentours, Yu Hee fit quelques pas, avant de repasser au delà des petites bandelettes jaunes ; il n'y avait vraisemblablement rien qui ne pourrait l'aider. L'appel de son interlocutrice abrégé, Lin Yao expliqua qu'elle ne pouvait plus tarder, ayant promis de rentrer prochainement, avant d'affirmer le plaisir d'avoir entretenu une telle discussion, ce qui fit doucement écarquiller les yeux de la japonaise. Elle se savait peu bavarde, et le peu qu'elle parlait, c'était pour causer boulot... Doutant légèrement de la sincérité, elle ne protesta pourtant pas, et ne fit pas une quelconque remarque ironique. Après tout, pourquoi pas ? Autant y croire. Et puis à vrai dire, elle n'avait pas envie de se retrouver en mauvais termes avec l'autre jeune femme ; quelque chose lui disait qu'elle aurait sûrement l'occasion de la revoir un jour ou l'autre. Lui adressant un sourire doux, mais bien présent, Yu Hee fit une légère courbette en avant pour saluer sa vis-à-vis, tout en disant ;



Et elle ne disait pas cela pour paraître plus aimable qu'elle ne l'avait été jusqu'à dès lors. Se redressant, elle chercha dans sa poche son porte feuille, et en tira une petite carte blanche où étaient écrites ses cordonnées, avant de la tendre à sa vis-à-vis, sans se départir de son sourire ;



Si l'Ordre lui interdisait normalement de co-opérer avec des chasseurs, tant pis. Après tout, ce ne serait pas la première fois qu'elle irait à l'encontre de ses principes, n'est ce pas ? La japonaise adressa un dernier sourire poli, histoire quand même de laisser une bonne dernière impression, avant de partir à la direction opposée de sa vis-à-vis.