Spoiler:

Trente octobre. La nuit était déjà tombée à la manière d’une chape de plomb sur la ville mais était aussi encore relativement jeune. Le Bloody Sunday avait une population nocturne qui commençait à aller et venir sur ses banquettes et Sensui avait décidé de ne pas mettre le nez dehors avant bien deux ou trois heures du matin histoire d’aller se sustenter. C'est-à-dire qu’il pleuvait par intermittence depuis ce matin vraisemblablement et Sensui était un peu grognon à l’idée de se prendre une saucée…

Oui bon ok, avec ce genre de petite pensée, ce n’était pas son côté « vieux jeu » qui allait s’arranger ! Quoi qu’il en soit, il était de toute façon maussade ces derniers jours. C'est-à-dire qu’il avait reçu quelques jours auparavant son costume pour la réception vampirique de Shizuoka et… Comment dire… Il était resté fort perplexe devant le somptueux kimono, certes… Mais aussi très éloquent de par sa coupe. Geisha. S’il n’était pas certain que personne au conseil ne pouvait savoir d’où il venait, il aurait juré que c’était une –très- mauvaise plaisanterie et il l’aurait sans doute très mal prit.

De fait, Sensui boudait plus ou moins tout le monde sans être non plus invivable. Disons juste qu’il faisait preuve d’un très grand flegme. Alors il avait décidé de se poser un peu dans la salle principale de son bar non sans avoir passé un peu de temps à se calmer tout son dans ses appartements.

Comment ? Facile… Il s’était posé dans un large fauteuil des plus confortables et il avait poussé un peu le son de la chaîne hifi. Une bonne insonorisation lui avait permit d’être certain qu’il n’en faisait pas profiter la salle à l’étage inférieur et fermant les yeux, il s’était laissé aller à une bonne heure d’écoute de classique. Le mieux aurait encore été que Seijûrô vienne lui faire un peu de lecture mais son fils n’était présentement pas chez eux. Peut être bien que quelque part, ça ajoutait à la morosité et à la « grognitude » de Sensui.

Possessif ? Oui, et ce n’était qu’un des nombreux petits travers de Sensui… Elitiste, chauvin, peu arrangeant quand il voulait… orgueilleux voir un peu narcissique sans s’en cacher… Il ne se prenait pas pour le nombril du monde et ne se vouait sûrement pas un culte non ! Mais il avait conscience de qui il était et attendait des autres qu’ils aient cette même conscience histoire d’éviter d’être prit dans un désagrément quelconque.

En fait oui, ce qui pouvait résumer Sensui, c’était sa propension à réclamer qu’on le laisse tranquille. S’il avait voulu le pouvoir ou la reconnaissance, il aurait siégé au conseil dès la création de celui-ci et chaque fois qu’une chaise s’était libérée, il aurait accepté les invitations du Grand Conseil. Mais non. Le fief de Sensui c’était pour le moment ce bar à alcool de belle réputation et, tout le monde le savait, ça ne l’empêchait pas d’avoir une influence sur Tôkyô que Sasara elle-même lui redoutait parfois.

C’était ça finalement, le vrai pouvoir, non ? Il n’y avait qu’à voir le Bloody Sunday aussi tiens… Beaucoup d’humains, ça oui ! Mais de très nombreux habitué vampiriques aussi et Sensui n’avait bien souvent besoin que d’un regard pour se faire comprendre par ces derniers qui ne bronchaient pas. Disons que cette situation plaisait à un Sensui en attente de contrôle et il n’était pas à plaindre. Bref…

Une fois ses nerfs doucement caressés et apaisés par de la belle musique, Sensui avait daigné lever les fesses de son fauteuil pour descendre dans la salle principale. Sans être comble, loin s’en faut, le Bloody Sunday était un établissement « vivant » dans le sens où il possédait une vraie clientèle et où il gagnait de l’argent plutôt que d’en perdre. Il y avait là quelques têtes connues même si pas forcément à la perfection et Sensui a pour eux un bref mais sincère signe de tête pour les saluer. Oui bon… Il n’était pas imbuvable non plus hein… Et surtout, il était d’une éducation polie et stricte hors si on lui reprochait souvent de jouer les psychorigide, il pouvait s’enorgueillir d’être un hôte irréprochable.

Ici, il n’y avait pas de critères de sélection particulier pour entrer… En revanche, quiconque prenait le Bloody Sunday pour un bar où il faisait bon se saouler risquait d’être déçu… Ceux qui parlaient trop fort ou créaient du trouble étaient jeté dehors sans autre forme de procès et s’ils insistaient, Sensui les « invitait » à descendre dans sa cave à vin et là… Hé bien disons que ses « amis » récurrent du BS pouvaient venir s’offrir un petit encas…

Radical ? Sensui n’avait jamais été homme –vampire- à se poser beaucoup de question. De plus, il était beaucoup trop fine bouche pour lui-même daigner saigner ces pseudo ivrognes.

Quoi qu’il en soit, en arrivant dans la salle, Sensui rajuste son gilet sur sa chemise, passant ses doigts sur les petits boutons noirs avant d’enfiler sa veste de costume. Oui bon… Il avait toujours eu l’air de sortir d’une époque qui avait au bas mot déjà quatre-vingt bonnes années. Mais, sans fausse modestie, on avait la classe ou on l’avait pas… Et il avait le charisme nécessaire pour assumer sa garde robe qui le représentait tout à fait !

Bref, bref, bref… Fubuki est là, fidèle au post, plein de charme et disponible… C’était amusant quand on connaissait le serveur et un petit sourire glisse de façon très brève sur le visage de Sensui. On ne faisait pas plus imbu de sa personne que Fubuki… Et paradoxalement, il n’avait pas son pareil derrière le bar !

Chae Rin est là aussi… Et un autre serveur, tout nouveau, recruté à peine une semaine avant ce jour. Tous les serveurs de l’endroit savait qui il était et surtout « ce qu’il était ». Parce que Sensui n’avait pas l’intention de se prendre la tête chez lui, merci. Du coup, Sensui ne proposait d’emploi qu’à des humains qui avaient connaissance des vampires ou aux vampires eux même… Le petit nouveau du Bloody Sunday ne faisait donc pas exception et s’il avait semblé avoir un peu de mal à démarrer il était à présent beaucoup plus à l’aise avec la carte de leurs alcools et affichait un sourire de circonstance !

Sensui passe derrière le bar avant de s’accroupir devant un placard pour chercher à l’intérieur une bouteille d’un saké complètement artisanal que peu avaient l’occasion de goûter. C'est-à-dire que c’était un peu « l’alcool de la maison » et il n’apparaissait pas sur la carte ! Sensui le dispensait par lui-même aux bons clients et l’achetait lui-même au producteur qui en faisait toujours très peu tous les ans.

Il avait vu un… Disons « ami » même si connaissant Sensui le mot était fort. Tout en sortant la bouteille, il s’adresse à la coréenne qui lui servait de serveuse, une jolie vampire tout en charme. Elle prépare un verre à saké et un petit plateau, prête à aller servir ce verre à qui de droit et c’est à peu près à ce moment là que Sensui note la voix assez grave, un peu rocailleuse, qu’il ne connait pas et qui vante rapidement la déco des lieux.

Jusque là, pas grand-chose à y redire… Néanmoins, alors qu’il se redresse, Sensui aperçoit son nouveau serveur être prit à partit.

๑ Qui est le maitre de ces lieux ? Amènes le moi.

Sensui arque un sourcil, surprit par cette entrée en matière. Ha ouais… Carrément ? L’homme n’était pas grand, pour ne pas carrément dire qu’il était petit. Et il était très… Excentrique. Une tenue qu’il jugeait endimanchée, une coupe étudiée de toute évidence mais un peu flashy pour lui… Et nul doute qu’il devait affoler les détecteurs à métaux dans les aéroports.

Chae Rin se penche rapidement sur lui pour lui dire qu’il s’agit d’un célèbre chanteur et musicien… Katsura Akatsuki. Son style musical était tel que Sensui ne le connaissait pas du tout mais en revanche, il le connait un minimum de nom. Pas tellement à cause de sa célébrité mais bel et bien de son ascendance vampirique. Forcément, le vampire fait tourner pas mal de tête, par curiosité ou parce qu’il est reconnu et Sensui donne finalement à sa serveuse la bouteille de saké pour qu’elle aille faire ce qu’il lui avait demandé.

Suite à ça, contournant à nouveau le bar, il fait signe à son nouveau serveur qui l’aperçoit de filer et obéissant, il s’excuse auprès d’Akatsuki avant de retourner à son travail. Sensui rejoint le petit vampire resté là, plongeant ses prunelles caramels dans celles colorées et déformées par quelques lentilles de contacts du chanteur.

๑ Je suis Kuromiya Sensui. Je peux vous aider ?

Vouvoiement pour le moment… Mais Sensui passerait rapidement au tutoiement si l’énergumène le prenait de haut.

๑ Vous ne voulez pas vous assoir ?

Quand il y avait une nouvelle tête au BS et que celle-ci était vampire, Sensui se demandait toujours ce qu’elle voulait. Ici on ne servait que de l’alcool qui était donc sans saveur pour les papilles vampiriques… Venaient-ils demander le change ou pour autre chose ?

๑ J’ai quelques suggestions d’alcool si vous ne savez pas quoi prendre mais que vous avez une idée de ce que vous aimez.

Puis, de fait, si ça n’avait pas été clair dès le départ :

๑ Je suis le gérant des lieux.

Spoiler:

Ca pour être « spécial », Akatsuki l’était. Et à présent qu’il le voyait d’encore plus près, Sensui n’aurait pas su dire s’il éprouvait une certaine répulsion ou, à contrario, une espèce de fascination un peu déplacée. Lui n’était ni très mode ni tendance… Il ne s’attardait que trop peu à ce genre de considération, trouvant généralement les frivolités du genre de mauvais goût. Le musicien en revanche semblait carrément rayonner tant il semblait assumer et vouloir montrer cette identité très… personnelle… Au reste du monde. Est-ce que Sensui éprouvait une certaine admiration pour l’autre vampire ? On n’aurait sans doute pas pu aller jusque là mais au moins, lui qui généralement préférait ignorer les excentriques était toujours là et n’avait pas l’intention de bouger dans l’immédiat, curieux. Intrigué aussi d’une certaine manière et puis de toute façon, il avait toujours apprécié rencontrer des hommes de caractère même quand de toute évidence, il n’avait rien de commun avec eux.

๑ Votre nom ne m'est pas inconnu…

Sachant qu’Akatsuki était vampire, c’est le genre d’affirmation qui ne troublait pas Sensui outre mesure. Ceci dit sans narcissisme : il avait l’habitude qu’on ait, au strict minimum, déjà entendu son nom. Ce qui était parfois « amusant » quoi que ça ne l’avait jamais fait vraiment rire, c’était de voir des petits bouts de vampire fraîchement sortit de l’œuf ou des plus aguerrit qui venaient d’arriver en ville. Ces derniers avaient une faculté proprement hallucinante pour, lorsqu’il se trouvait avec Seijûrô, saluer ce dernier en pensant s’adresser à lui. De toute évidence, son fils collait plus à l’image qu’on dépeignait de « Kuromiya Sensui ». Vexant. Et en même temps, ça lui procurait également une certaine tranquillité que Sensui savourait.

L’autre vampire détourne ses étranges yeux jaunies par quelconques lentilles avant de se diriger à une table, ayant visiblement jeté son dévolu sur elle dès le départ. Sensui l’y suit, restant debout, droit, à côté de la table, le regard posé sur Akatsuki. Il avait noté le regard que le vampire avait jeté à son tout nouveau serveur et de toute évidence, si son nom évoquait quelque chose à Akatsuki, c’était bien tout… Car personne fréquentant ce bar ou ayant fait quelques recherches à son sujet ne pouvait ignorer qu’il interdisait de manière strict qu’on s’attaque à l’un de ses employés. C’était un échange de bon procédé entre eux et si jamais il fallait sévir, pour quelque raison que ce soit, c’était à lui que cette tâche incombait, n’en déplaise à… Qui que ce soit. Il était maître de son château.

De fait, quoi qu’affichait un air assez neutre, Sensui est tout prêt à faire entendre raison à Akatsuki : on ne touchait pas à sa marmaille.

๑ Un grand verre de O négatif serait divin... Mais surprenez-moi.

Il l’avait déjà piqué et crispé… Mais là, c’est encore pire. Et si ses airs neutres restent à leur place sur son visage, son regard s’enflamme un bref instant avant d’en revenir à une certaine impassibilité. Qu’est ce qu’il croyait ? Qu’il devait s’identifier en tant que vampire ? Ce n’était pas nécessaire ! Et ce trait d’humour n’était pas particulièrement pour lui plaire. Au Bloody Sunday, l’activité vampirique était certes intense mais l’activité humaine l’était tout autant. Pas besoin, donc, de venir faire ce genre de « plaisanterie » de façon aussi ouverte. Décidément il ne s’était pas trompé : Akatsuki était très « m’as-tu vu ? ». Hé bien qu’il se rassure : Sensui ne l’avait pas raté.

Pour sa part, il reste néanmoins très digne, répondant simplement par une autre question :

๑ Vous êtes plutôt alcool léger ou fort ? Fruité ? Sucré ?

Cela faisait bien longtemps que le goût de l’alcool n’avait plus pu se déposer sur ses papilles. Le souvenir même qu’il en avait était dissolu. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était observer les robes très caractéristiques de chaque alcool et sentir leur parfum. Pour le reste, il devait se fier aux compétences d’hommes en qui il avait une confiance toute relative mais réelle pour ce qui était de ce domaine.

C’était aussi un moyen d’indiquer à Akatsuki, s’il souhaitait poursuivre dans cette voie, qu’il ne s’y engagerait pas, pour sa part. Et si aucun père vampirique n’apprenait à ce vampire là à ce tenir, il n’avait pas pour ambition de lui-même faire son éducation, merci bien.

๑ Et bien laissez-moi vous complimenter, vous avez décoré ce lieu avec bon goût, il y a longtemps que je n'ai pas apprécié un bel endroit...

Sensui acquiesce, acceptant et remerciant pour le compliment tout en même temps. Ce qu’il y avait ici était entièrement le fruit de son propre passage au travers des années. Le Bloody Sunday était un vieil établissement mais lui-même l’était plus encore et comme on se plaisait souvent à le faire remarquer en parlant de Sensui : il était très attaché au passé. Non seulement du point de vu des valeurs mais également des biens matériels. Sans être un amasseur compulsif, Sensui se séparait difficilement de bien des choses et sous d’autres noms, il possédait quelques gardes meubles bien plein d’objets divers. Le tout sans parler de ses appartements qui étaient déjà pas mal la vitrine du dernier siècle, en sus d’objets personnels qui le suivait depuis bien longtemps. Trop peut être.

Le gérant du Bloody Sunday, toujours debout, ne détourne pas les yeux alors qu’Akatsuki y ancre les siens. De fait, il note le léger changement d’atmosphère chez son vis-à-vis sans néanmoins parvenir à définir à quoi il était dû. Cependant, il n’a pas besoin de s’en enquérir puisqu’Akatsuki le lui formule de lui-même, sans qu’il ne demande rien :

๑ Votre employé de tout à l'heure, ce petit serveur, me laisseriez- vous vous l'enlever pour ce soir ?

L’art et la manière de perdre tous les points acquis auprès de Sensui. S’en prendre à son personnel, c’était comme s’en prendre à lui-même. C’était généralement ce qu’il disait pour encourager les plus idiots à ne même pas essayer. Il n’avait pas de lien intime ou au-delà de l’éthique professionnelle avec eux non… Mais il s’agissait de SON personnel et Sensui, au contact de Seijûrô, avait développé un sens aigu de la notion de propriété, même vis-à-vis des êtres humains. Le pire, c’est qu’Akatsuki en rajoute encore…

๑ Si jeune, surement succulent... Vous n'aurez certainement aucune difficulté à retrouver un autre employé.

On entrait carrément sur un terrain que Sensui ne voulait pas entendre être abordé en public dans son bar. Et de fait, fermement, il interrompt l’autre vampire :

๑ Si vous continuez avec ce genre d’insinuation, je serais obligé de vous demander de partir.

Il ne s’était jamais encombré avec des explications qui lui semblaient plus que logique et les gêneurs, il préférait prendre deux minutes à les expulser que deux heures à leur apprendre la vie.

๑ Mais je vous déconseille de songer de façon sérieuse à tout ceci…

Parce que ça aussi, il fallait que ce soit clair… Sensui était contrarié, c’était probablement visible, mais il fallait qu’Akatsuki ait conscience du fait que c’était tout autant à cause de la forme que du fond de cette pseudo conversation.

L’homme s’assied finalement de l’autre côté de la table, ses mains posées calmement devant lui et son regard fixe posé sur la tête d’épingle en face de lui. Il a probablement l’air sévère, distant et même froid… Mais La relative fascination se muait doucement mais sûrement en animosité. Akatsuki savait se montrer suave et, vraisemblablement, charmeur… Mais Sensui n’était pas homme –ni vampire- à ce laisser prendre par ces petits jeux de séduction qu’il avait apprit sans aucun doute bien avant Akatsuki. De son vivant, même.

๑ Vous êtes vraisemblablement nouveau ici et je suis prêt à tolérer ces quelques écarts pour peu qu’ils ne se reproduisent plus.

Sensui lève une main pour interpeller Fubuki histoire qu’il vienne prendre commande et en revenant à Akatsuki, il ajoute :

๑ Je ne suis pas réputé pour ma tolérance ceci dit et je me permettrais à nouveau de vous donner un conseil en vous suggérant de ne pas tester mes limites… Pas parce que cela m’agacerait mais parce que vous vous rendriez compte qu’elles sont fort courtes.

Fubuki s’approche, Sensui lui commande « son alcool habituel » avant de réclamer, pour Akatsuki puisqu’il ne voulait pas se décider seul, un vieux scotch venu d’Irlande, en Europe. Pas donné mais l’homme avait vraisemblablement les moyens… Donc…

Sensui en revient ensuite à son « client », récupérant une attitude un peu plus accessible avant de reprendre la parole, comme si de rien n’était mais orientant néanmoins le vampire vers un endroit où il pourrait sans doute plus trouver ce qu’il cherchait :

๑ Vous devriez essayer le Candies & Leather.

Oui ok, il avait un énorme problème personnel avec le gérant des lieux… Mais il n’en devenait pas quasi phobique LUI.

Sensui avait souvent des airs placides. C'est-à-dire qu’il se montrait souvent sous des airs calmes, voir même doux. Néanmoins, ce n’était jamais le cas lorsqu’on le prenait à rebrousse poil et de toute évidence, c’était ce qu’Akatsuki était en train de faire. A n’en pas douter, il était de ces vampires qui aimaient provoquer, trouvant sans doute là une sorte de sensation de pouvoir, de contrôle ou de force. Il se sentait peut être maître de la situation présentement et pourtant, s’il avait vu plus loin que le bout de son nez, il aurait su qu’en certaine circonstance, la vraie force c’était de se taire et de respecter un certain protocole implicite qu’un aîné imposait. Encore que quand il s’agissait de faire profil bas au sujet de l’existence des vampires, c’était presque l’entièreté de la population vampirique qui savait parler de discrétion.

Ne restait que la jeunesse idiote des vampires qui pensait encore que le monde pouvait changer et les hisser à une place supérieure que celle qu’ils possédaient déjà. Elle ne voyait que les pages de leur histoire et de leur avenir sans jamais lire entre les lignes, croyant suivre un noble idéale qui ne signifiait rien, en réalité. Une guerre interne les avait déjà affaiblit. Une nouvelle n’apporterait que le chaos et la décadence d’un monde dont l’équilibre plus que précaire ne tenait qu’à un fil.

Est-ce qu’Akatsuki faisait partit de ces venimeux serpents à tête folle ? Si ce n’était pas le cas, il en avait en tout cas tous les atours. De l’orgueil… Tant, visiblement, que Sensui peinait presque à comprendre comment le Bloody Sunday pouvait être assez grand pour contenir Akatsuki et son égo. Une volonté d’être vu, remarqué… Comme un petit enfant qui aurait joué de caprice pour que sa mère daigne le prendre dans ses bras. C’était… Pathétique aux yeux d’un Sensui qui sentait qu’Akatsuki ne remettrait sûrement jamais les pieds dans son établissement.

๑ C'est loin d'être mon intention, mais permettez-moi de vous dire que vos serveurs sont simplement appétissant. Je ne dois pas être le seul ici qui n'a jamais voulu planter mes crocs dans leur si fine et pâle gorge.

Voilà qu’ainsi, évidemment, Akatsuki n’en faisait qu’à sa tête devant un Sensui qui ne pouvait rester paisiblement assit, fixant de ses pupilles mordorées le coloré musicien. Parfois, il avait l’impression que même les vampires oubliaient d’où ils venaient, leur histoire, le poids mais aussi la richesse des années qu’ils avaient traversés… Akatsuki n’était pas un bambin, ça se voyait, même si Sensui ne lui aurait malgré tout pas donné beaucoup de siècles à le voir ainsi parader comme un jeune paon. C’était triste. Et ça le dégouttait plus que jamais de cette nouvelle génération vampirique qui avait été élevé à coup de « peace & love » et de révolutions fantasques. Comprendre : celle de la technologie et de quelques lois qu’il jugeait trop permissives.

๑ Mais rassurez-vous, je n'irais pas leur faire du mal si vous tenez à eux, je sais me tenir, même si vous pensez le contraire n'est-ce pas ?

Peu importe ce qu’il pouvait bien penser puisque ça ne se reproduirait pas. Et les torts d’Akatsuki étaient ailleurs. Peut être qu’après cette visite impromptue, Sensui se fendrait d’une rencontre avec Sasara. Peut être qu’il lui conseillerait de résoudre le « problème Akatsuki ». Peut être qu’il s’en chargerait lui-même…

Puis, à propos du Candies & Leather :

๑ Je doute que je puisse retourner là-bas maintenant, le propriétaire ne me laisserait surement pas entrer une seconde fois.

Sensui a un petit « ho » sans émotion. Finalement, il aurait dû s’en douter. Quoi que Ketsueki et lui soient en très mauvais termes depuis qu’il avait mit un terme à leur relation, le gérant du plus prisé des love hotel et lui avaient toujours eu une vision assez semblable sur bien des choses et il ne s’étonnait pas de savoir qu’Akatsuki avait déjà mit les pieds dans l’établissement de l’autre vampire et que ça se soit fort mal terminé. C’était d’autant plus vrai que Ketsueki possédait des limites beaucoup plus fragiles encore que les siennes. Tout particulièrement si on s’approchait trop de sa petite poupée qu’il élevait de manière si étouffante et aseptisée que ce gamin n’aurait probablement pas survécu une semaine sans son mentor…

๑ Ce verre doit couter une fortune... me vendriez-vous une bouteille ?

Le regard de Sensui se pose sur le verre qu’Akatsuki tenait entre les mains. Que faisait-il ? Après n’avoir pas un seul instant joué de faux semblant, il voulait s’y mettre ? Sensui ne répond pas, en revenant au visage particulier de l’homme en face de lui.

Ce dernier finit par sortir d’une poche deux billets de concert, les poussant doucement devant lui. Vu le nom sur les deux billets, c’était pour le propre concert du vampire.

๑ Prenez, je vous les offre avec plaisir, j'espère vous y voir même si mon monde n'a pas l'air d'être le vôtre. Vos années surpassent les miennes.

Sensui n’irait pas. Pas la peine d’être un génie pour s’en rendre compte n’est ce pas ? Akatsuki semblait d’ailleurs très bien le savoir. En tout cas, ça ne l’empêche pas de venir se saisir des billets, parce qu’il en ferait toujours quelque chose et qu’il était le genre de personne à savoir se saisir de certaines opportunités.

๑ Je n’ai même jamais entendu une seule de vos chansons.

D’ailleurs, histoire d’en rajouter une couche :

๑ J’ignorais jusqu’à qui vous étiez avant qu’une de mes employées ne m’en informe.

Il avait mieux à faire que de tenir à jour une liste de tous les vampires. Il en connaissait déjà plus que n’importe qui, probablement. Sauf qu’il faisait plus affaire avec eux qu’il ne copinait. Disons que les années avaient entraînées Sensui à mesurer ses relations et qu’on entrait bien peu souvent dans le personnel. Même avec Seijûrô les choses allaient en dent de scie en ce moment.

Quoi qu’il en soit, se relevant, Sensui invite d’un mouvement du bras Akatsuki à en faire de même.

๑ Suivez-moi, vous voulez bien ?

Et sans attendre, parce que ce n’était pas réellement une suggestion, Sensui se dirige vers la porte qui menait à sa cave. Il laisse Akatsuki passer derrière lui, envoyant un regard à Chae Rin qui signifie clairement que l’endroit est inaccessible à partir de maintenant et ce jusqu’à ce qu’il en remonte. Ensuite, descendant la flopée de marches qui mène à une large cave qui faisait la superficie totale du bâtiment, Sensui explique :

๑ Cet endroit est complètement insonorisé.

De fait, retirant sa veste pour être plus à l’aise et défaisant ses boutons de manchettes qu’il dépose au fond de sa poche avant de remonter légèrement ses manches sur ses avants bras, Sensui se fait ferme :

๑ Vous ne reviendrez pas dans cet établissement. Jamais.

Et pour que cet ordre soit clair :

๑ Si vous revenez, vos fans pleureront immanquablement votre disparition.

Sensui n’était pas vampire à menacer avec des paroles en l’air. Si ça n’avait tenu qu’à lui, il aurait d’ailleurs réglé le problème là, tout de suite, maintenant. Mais il y avait d’autres paramètres à prendre en compte et s’aurait sans doute été irréfléchi. Néanmoins, valait mieux pas qu’Akatsuki tente encore de jouer les petits malins provocateurs. Quand on ne pouvait pas tuer sans y avoir réfléchit un peu plus profondément, on pouvait néanmoins blesser…

๑ Toucher à un seul de mes employés, se sera comme m’attaquer directement. Je prends les menaces très au sérieux et j’élimine toujours le problème à la racine.

Le gérant du Bloody Sunday lève une main pour signaler qu’il n’en a pas finit avant de poursuivre :

๑ Peu importe que je vous effraie ou bien pas. Ce qui compte c’est qu’il y a à Tôkyô –et même à travers tout le Japon- beaucoup trop de nos semblables qui seraient prêt à me rendre un petit service tel que vous éliminer pour que vous puissiez vous permettre de fanfaronner.

Et qu’on soit clair :

๑ Votre musique ne me dérange pas. Votre façon de vous habiller, de parler ou d’étaler vos plumes pour qu’on vous remarque ne m’intéresse pas non plus… Mais ne parlez jamais, j’ai bien dit « jamais » de vampire dans mon établissement. Pas d’allusion, rien.

Ce n’était pas de la peur chez Sensui. Juste un réel désir de garder sa tranquillité aussi bien physique que d’esprit. Les chasseurs évitaient son bar à cause de sa population… Les vampires belliqueux parce qu’ils étaient très mal reçu… Et les autres venaient justement pour le calme et la tranquillité des lieux. Cet endroit, c’était sa maison et quiconque la menaçait devait s’attendre à un très sévère retour de flamme.

๑ Nous sommes bien d’accord ?

Spoiler:

๑ C'est une menace ? Vous êtes vraiment comique...

Il y en avait, des comme ça, que certains pères ou mères vampiriques éduquaient très mal. Non, Sensui n’attendait pas de tous les vampires qu’ils ordonnent à leur progéniture de l’aimer. En fait, ces mêmes vampires pouvaient bien leur apprendre la haine à son égare s’ils en avaient l’envie… Mais ils devraient songer de manière un peu plus assidue à leur enseigner l’instinct de survie. Un instinct que d’ordinaire, les vampires développaient en surabondance dans leurs premières années. Celui qui poussait un jeune à percevoir le danger dans la nuit et, plus particulièrement, dans les yeux d’un autre vampire.

Parce qu’il ne fallait pas faire semblant de ne rien voir… Le plus dominant des deux, dans cette cave, c’était Sensui… Akatsuki était probablement une bête de scène. Il n’y avait qu’à le regarder pour comprendre qu’il n’était pas le premier venu et savoir que la population humaine –et qui plus est assez jeunes, en général- pouvait facilement éprouver de la fascination pour lui. Mais peut être que ce pseudo pouvoir qu’Akatsuki s’était sentit avoir sur le reste du monde humain l’avait aveuglé à tel point qu’il ne se rende plus compte du moment où il dépassait les bornes parce que face à un autre vampire, la fascination s’arrêtait bien souvent…

Au même titre que de toute évidence, Sensui n’impressionnait pas Akatsuki, ce dernier ne lui faisait ni chaud ni froid et finalement, les plus âgé des deux envisageait réellement la perspective de l’assassiner ce soir et ainsi d’en finir une bonne fois pour toute. Ce serait sûrement une épine de moins dans son talon et dans celui du conseil et de beaucoup d’autres. Certes, il y aurait quelques désagréments à combler mais quand la patience s’étiole, ces désagréments prennent facilement le large.

Comme de fait, si Akatsuki n’avait pas sentit la menace comme il convenait –bien qu’il en ait fait mention- lorsque Sensui avait été beaucoup plus clair, le petit vampire nombriliste continuait d’agiter ses plumes, tel un canard qui se serait cru différent du reste de la joyeuse petite portée.

๑ Je reviendrais ici lorsque j'en aurais envie. Sachez une chose... Que vous soyez plus âgé, plus important, que vous ayez des relations ne vous donnent pas le droit de me parler ainsi.

Sensui a une petite expression moqueuse, terminant de rouler ses manches sur ses avants bras alors qu’Akatsuki comptait visiblement faire sa loi ici. Lui n’avait qu’à claquer des doigts et c’était toute une armée qui répondrait présente pour se dresser, tel un rempart, entre Akatsuki et son bar…

๑ Je vous déconseille vivement d'attenter quoique ce soit contre moi. Je ne toucherais pas à vos employés, n'ayez craintes. Je ne troublerais pas la tranquillité de votre bar si vous ne m'obligez pas à le faire.

Il aurait presque put être drôle… Parce que finalement, il semblait se croire, ce joli pantin d’une mode à laquelle Sensui ne se faisait guère. Et si chez les humains, la jeunesse était celle à qui on aimait, à un moment donné, redonner le pouvoir pour assister à ce qu’elle en ferait, chez les vampires ce n’était pas du tout le cas. Espèce différente, mœurs différentes. Et l’histoire leur avait prouvé que certaines choses devaient être faites et orchestrées par la main de maître de vampires d’expérience.

๑ Vous avez un beau visage mais un caractère pourri... les années ne vous ont pas arrangés, quel dommage... Venez à mon concert, cela vous décoincera peut-être.

Sensui a un sourire, quoi dénué de toute sympathie, alors qu’Akatsuki semble croire que le débat est clos et qu’ainsi, il venait d’établir son ordre. Pensait-il réellement que Sensui pourrait le suivre sans broncher ? Akatsuki transgressait les règles… Et lui ne pouvait le tolérer dans cet établissement. D’ailleurs, s’il le tolérait chez les autres, c’était bien mal et il s’éloignait généralement de ces endroits…

De fait, alors qu’Akatsuki s’approche, Sensui ne prévient pas ni n’hésite ou prend de gants… D’un mouvement rapide, il vient donner un coup violent dans le plexus solaire du vampire, brisant au passage quelques côtes. Et parce qu’il n’était pas sûr de l’âge du vampire et de ses capacités de guérison, il ne prend pas de risque… D’un violent coup de pied, il vient briser la rotule du musicien et d’un autre, c’est au visage qu’il porte un coup, laissant retomber au sol le vampire à qui il entendait bien faire passer la leçon.

Fallait pas croire que ça l’amusait… Il avait de toute évidence beaucoup mieux à faire que de pallier à l’absentéisme physique ou moral d’un père ou d’une mère qui avait engendré un fils qu’il/elle ne savait pas gérer.

๑ Je vais t’apprendre quelques petites notions, Akatsuki, et j’attends de toi que tu écoutes bien attentivement…

Tout en parlant, Sensui va, dans un coin de la pièce, chercher le pied de biche avec lequel ses serveurs ouvraient les caisses d’alcool qu’ils recevaient à l’importation.

๑ Premièrement : tu ne me fais pas une fleur en venant dans mon bar et ce dernier n’est pas une démocratie. Si je dis que tu ne viens : tu ne viens pas. Si tu t’entêtes, il t’en coûtera la vie. Peut être qu’un jour tu auras à nouveau droit de passage mais il faudra l’avoir mérité…

Sensui revient près du vampire… Et si Akatsuki ignorait le côté cruel que Sensui pouvait revêtir, il en fait ce soir tous les frais alors que le pied de biche vient s’abattre avec violence contre un bras de cette boule de nerfs. Décidément, il avait bien fait d’insonoriser la salle…

๑ Ensuite : le respect c’est ce qui permet de survivre dans notre monde. Je ne te déteste pas, tu as même une fougue et une rage plutôt intéressantes… Mais tu me défis en plein sur mon territoire et c’est une bêtise. Attaquer frontalement une personne comme j’en suis une, sans fausse modestie, c’est ignorer quelques principes d’instinct de survie.

Sen joue un instant avec son pied de biche, se faisant silencieux un moment, arpentant le petite espace vide autour d’eux tout se faisant réflexif avant de poursuivre :

๑ Tu as une position qui pourrait te faire faire de grandes choses… Tu pourrais viser plus haut que de vulgaires tentatives d’intimidation inutiles ou de provocations vulgaires…

Revenant près d’Akatsuki, Sensui abat une dernière fois son pied de biche avec rudesse, sur la tempe du vampire, faisant gicler un tout petit peu de sang jusqu’à son propre visage. De sa main libre, il vient retirer le sang de là en demandant :

๑ Tu comprends ce que je te dis ?

Il reste debout, près du petit homme –ne lui en déplaise- et lissant ses vêtements, il ajoute même, professoral :

๑ On peut faire quelque chose de toi. Ne m’oblige pas à abréger ta vie. Vois ça comme la leçon brutale de rattrapage que je te fais pour celle évidente que ton père ou ta mère n’aurait pas dû oublier de te donner.

D’ailleurs, finalement il change d’avis :

๑ Tu n’as qu’à revenir ici finalement, si tu veux. Mais tu devras suivre « mes » règles, celles que je t’ai déjà indiqué et je n’aime pas me répéter. Montre pattes blanches… Et peut être qu’il y aura quelque chose d’intéressant à tirer de tout ça.

Ceci dit, après un petit moment de réflexion :

๑ A quel point sais-tu te soigner ? J’y répugne mais comme je n’envisage pas de te voir camper ici, il faut aussi que je sache si tu as dîner pour que je fournisse un peu de sang frais le cas échéant, histoire d’avoir une guérison qui fonctionne un peu mieux…

Quoi qu’il en soit, les blessures étaient telles qu’Akatsuki ne repartirait pas fièrement d’ici comme si de rien n’était… Au mieux ne ferait-il que claudiquer sur un genou à peine remit et avec un visage tuméfié, courbant l’échine pour retenir des côtes douloureuses.

๑ Si tu ne veux pas perdre la face, je pourrais également te faire sortir par derrière…

Dans sa grande mansuétude…

La nuit de Seijûrô avait commencé tôt, ce soir. Dès que le soleil était entièrement disparu sous l'horizon, laissant sa place à la lune, il était sortit, Runa sur les talons. Sa brave chatte toute de noir vêtue, comme son maître, boitait encore un peu, mais à peine. Quelques semaines plus tôt, un ridicule végétarien avait décidé que Runa allait faire un bon repas... et sans égard pour la jolie féline, il l'avait rudement agrippé par le pelage, puis lui avait cassé une patte arrière. La chatte vampirique avait certes réussi à s'enfuir, puisque Seijûrô était intervenu et elle avait effectivement des aptitudes de guérison, mais son état n'était pas encore aussi reluisant qu'il aurait dût l'être. Runa péchait beaucoup moins que lui dans la guérison vampirique, bien que Seijûrô préfère encore crever que de l'admettre, mais il était clair que même elle souffrait davantage des blessures qu'elle ne pouvait guérir grâce à sa salive toute particulière. Présenté ainsi, c'était un peu bizarre, mais Seijûrô savait très bien de quoi il en retournait.

De fait, après s'être promené un moment, Seijûrô s'était rendu à la bibliothèque municipale qui venait tout juste de fermer. Il s'y était glissé et pendant que Runa reposait sa patte sur un confortable fauteuil, il feuilletait quelques livres ayant attrait à la géographie ou aux temples de Nikkô, pestant encore contre la disparition du bouquin le plus sérieux à ce sujet qu'il ait trouvé. Quelqu'un l'empêchait de trouver cette putain de source et il était sûr que Sensui aurait pu aider à savoir qui. Mais... parler de la source à son père vampirique, c'était une très très mauvaise idée. Surtout vu l'humeur changeante de celui-ci ces derniers temps. De fait, après un moment de recherches infructueuses, Seijûrô avait décidé de laisser tomber pour ce soir. Assez de frustration comme ça... S'il continuait ainsi, il allait être d'une humeur de chien pour le reste de la nuit. De fait, prenant cette fois Runa dans ses bras, Sei' quitte la bibliothèque, empêchant la jolie chatte de retourner au Bloody Sunday par elle-même. Elle devait ménager cette patte blessée...

Le trajet du retour est plutôt rapide, puisque Sei' ne s'arrête pas en chemin. Cependant, lorsqu'il franchit finalement la porte de service du Bloody Sunday, grognant en repoussant un peu brusquement un Fubuki qui se met dans ses jambes par accident, le jeune vampire fronce les sourcils. Plus loin, Sensui discute avec un type à l'allure... louche, disons-le. C'était intéressant comme tout, cette mode underground bizarre, mais rien qui n'intéressait habituellement son mentor, assurément pas ! Sa curiosité est d'autant plus piquée que soudainement, Sensui se lève... et bon gré, mal gré, le nabot -oui bon, désolé, mais c'était le cas... et Sei' n'allait pas retenir des mots que son mètre quatre-vingt-deux lui permettait !- en fait de même, suivant le propriétaire du Bloody Sunday à la cave. Et ça, ce n'était absolument pas bon signe... pour le petit vampire. Seijûrô aurait pu être drôlement amusé par cette situation si ce n'était du fait que pour qu'un vampire aille dans cet endroit, il fallait vraiment qu'il ait manqué de respect à Sensui, d'une façon ou d'une autre. Et ça, ce n'était jamais amusant...

De fait, le grand vampire leur emboîte le pas, gardant néanmoins ses distances. Il entrouvre la porte, Sensui pouvait sûrement l'entendre, mais aussi le sentir. Il referme doucement, très doucement derrière lui, puis attend en haut des escaliers, des bribes de voix lui parvenant. Sei' fronce les sourcils à ce qui est dit et n'a même pas un sursaut lorsque de violents bruits lui parviennent. Visiblement, Sensui avait décidé de montrer de quel genre de force dont il disposait à ce type cette nuit... Et le pauvre allait avoir une décidément bien mauvaise nuit. Quel âge pouvait-il avoir ? En tout cas, pas assez pour que Sen' se sente menacé, vraisemblablement. Ainsi donc, ce type avait voulu croquer un serveur ou une serveuse... Il aurait bien pu briser la nuque de Murakami, tiens. Ça lui aurait fait les pieds... Et Seijûrô le lui aurait bien servit sur un plateau d'argent ! Cette gourde avait trop longtemps traîné dans le coin et tentait trop souvent de monopoliser son mentor pour que Sei' l'apprécie. Toutefois, envies de vengeance à part, il fallait admettre que les raisons de la présence de ce type ici ne lui plaisaient pas du tout.

Si Seijûrô bouge finalement, c'est principalement parce que soudainement, on parle de lui. Il arque un sourcil, se demandant drôlement de quelle façon ce vampire avait pu penser à le rencontrer dans un tel moment. N'aurait-il pas dût se sauver, les jambes au cou, plutôt ? Il devait avoir un problème psychologique... peu importait. De fait, le menton haut, l'air noble, Sei' descend les escaliers, ses longs cheveux ondoyant autour de son visage grave. Ses yeux onyx rehaussés deits de khôl noir et de poudre de la même couleur accentuaient l'effet sombre de sa personne. Toutefois ce soir, étonnamment, Seijûrô avait revêtu, par-dessus un ample pantalon noir et un petit haut de la même couleur, un large kimono blanc qui contrastait drôlement avec son style habituel. Ce dernier, ouvert, battait la mesure de ses pas, jusqu'à ce que le fils de Sensui s'arrête devant celui qui venait d'être malgré lui sa victime. Et il était drôlement amoché...

« Kuromiya Seijûrô. », se présente sobrement le vampire, sa voix grave étant étonnamment calme alors que pourtant, tout préjudice porté à l'encontre de son mentor le mettait habituellement hors de lui. « Trop tard. Ta petite honte est publique, maintenant. Tu peux toujours demander à Sensui de se taire, mais moi, je me ferai un plaisir de salir ta réputation si c'est tout ce qu'il te faut pour que tu apprennes le respect. »

Ça, au moins, c'était bien clair entre eux à présent. Pas sûr que Seijûrô ait du temps à perdre avec ce petit jeu de réputation, mais ça pouvait être amusant de balancer l'état de ce type à gauche et à droite pendant un temps, peut-être... Lui-même s'était drôlement imposé dans la société vampirique malgré son très jeune âge. D'ailleurs, plusieurs l'avaient mauvaise à ce sujet, contre lui... Et pourtant, il n'avait pas besoin de manquer de respect pour ce faire. Sensui le lui avait dit : il étai pratiquement une perfection vampirique. Quelle homme ne s’enorgueillirait pas d'un tel compliment ? Quoiqu'il en soit, en voilà un qui aurait dût avoir une meilleure éducation, assurément.

« Yoshitsune a vraiment très mal fait son boulot, il faut croire... », ajoute Seijûrô, perfide. Il ne savait ni d'Ève, ni d'Adam qui était ce Yoshitsune, mais si c'était là la corde sensible d'Akatsuki... « Et tu n'es pas assez futé pour apprendre par toi-même les bonnes valeurs. »

Cependant, après ce bref état des choses plutôt calme, Seijûrô fronce les sourcils, plissant un peu ses yeux à l'amande féline. Il montre les crocs, se posant un moment entre Sensui et Akatsuki.

« À l'avenir, tu retiendras ta langue sale en présence de Sensui ! », annonce-t-il sèchement. « Ton attitude est méprisable. Les hommes qui se croient supérieurs tout en ayant pourtant de fortes lacunes attirent plus la pitié que n'importe quel autre sentiment. À toi de voir ce que tu désires inspirer à ceux que tu croises, mais ne traîne ton sale caractère dans cet établissement. »

Puis, Seijûrô se pousse pour quitter l'espace entre son père vampirique et cet invité indésirable. Il se pose près de Sensui, observant un moment ses traits harmonieux. Et finalement, levant une main, il essuie le peu de sang qui reste sur une joue de porcelaine. Le geste est tendre et appliqué, pas fait à la vite pour se débarrasser, quoi...

« Si tu veux que je t'en débarrasses... », commence Seijûrô, prêt à rendre service au gérant.

Néanmoins, avant toute chose, Seijûrô avait une petite interrogation... Tournant la tête vers Akatsuki, son regard félin planté dans celui étrangement jaunâtre du petit Japonais, il demande :

« Pourquoi vouloir me rencontrer à un tel moment ? Ta curiosité est satisfaite, dis-moi ? »

Sinon... eh bien il devra faire avec.

๑ Je te défends de parler de Yoshitsune !

Il lui « défend », voyez-vous ça… Certains vampires ne savaient décidément pas apparaître comme humble, même quand c’était le meilleur moyen de préserver ce qui leur restait d’orgueil. Car quoi qu’on puisse penser le contraire, jouer les entêter et ne pas savoir faire face à ses erreurs était une grande faiblesse, surtout dans un monde comme le leur où les erreurs se traînaient pendant très, très longtemps.

Oui, Akatsuki avait de la fougue, indubitablement… Et oui : il savait prendre les coups. Probablement en donner aussi puisque tous les roquets ne se contentent pas d’aboyer. Et si Sensui n’aurait pas eu la prétention de dire que ce genre « chiot » ne savait pas se rendre compte du moment où il avait rencontré son maître, il dirait néanmoins qu’ils ne savaient pas reconnaître un molosse plus fort qu’eux.

Au moins ne l’ouvrait-il pas non plus trop grand et Sensui aime autant… Ca le fatiguait par avance de s’imaginer devant justifier sa mort à qui que ce soit… C’était la problématique des jeunes dents de lait qui avait un visage public. Soit, il exagérait avec cette histoire de dent de lait ! Peut être bien qu’Akatsuki n’en était plus là !

๑ Je n'ai pas besoin de toi pour me soigner, je ne veux pas de sang venant de toi !

Voilà à nouveau ce vilain défaut d’orgueil mais Sensui se contente d’un petit haussement d’épaule. Il n’était pas le genre de vampire à tendre sa main deux fois. Et Akatsuki, visiblement, n’était pas le genre de vampire à reconnaître une opportunité. Le bras de Sensui était long, ses amis nombreux et ce, où qu’on aille au Japon et parfois même au-delà du sol nippon selon la direction dans laquelle on regardait. Ses liens, il les avait tissés parmi plusieurs générations d’homme et parfois de vampire… Sans fausse modestie de toute façon, et sans s’insulter dans le même temps… Quand on avait son physique et qu’on était aussi respecté, c’était rarement par gratuité.

Les vieilles légendes intéressaient de moins en moins et sa réputation était bâtit sur tout à fait autre chose. Il pouvait, s’il le désirait, s’adresser aux plus hautes sphères de l’Ordre également et finalement, qui pouvait dire qu’il n’avait pas déjà eu des rapports privilégié avec ces derniers ? Certains vampires avisés, parmi lesquels Seijûrô lui-même, savaient qu’en des temps éloignés –environs deux siècles- Sensui et le Maître de l’Ordre avaient été brouillé… peu savaient pourquoi… Peut être même personne, pas même l’actuel Maître de Tenkyû… Mais aujourd’hui leurs « relations diplomatiques » avaient reprit, quoi que de manière mal huilée.

Bref… Tout ça pour dire que refuser une offre, même inusité, c’était avoir soit trop d’orgueil, soit trop de bêtise et en réalité, Sensui ne pensait pas qu’Akatsuki soit un idiot. Et vu sa propension à dénigrer les gens, c’était probablement là le jugement d’une certaine valeur pour l’autre vampire !

Akatsuki accepte en revanche son offre de le faire passer par une porte dérobée et Sensui va chercher dans sa poche son trousseau de clefs. Il y en avait plusieurs à utiliser pour arriver jusqu’à cette sortie providentielle. Néanmoins, puisqu’Akatsuki lui parle encore, il ne bouge pas de sa place.

๑ As-tu un fils ou une fille ? J'aimerais le rencontrer, voir à quoi ressemble la progéniture de Kuromiya Sensui... Puis-je te demander une faveur ?

Sensui arque un sourcil mais a un petit mouvement de la main, sans mot dire, pour qu’Akatsuki poursuive de demande sa fameuse faveur.

๑ Ne parle à personne de ce qui vient de se passer, pas même à ta progéniture, gardons cet épisode entre nous...

C’était une demande amusante… D’autant plus qu’il avait fortement perçu la présence de Seijûrô en haut des escaliers de cette cave… Mais Sensui acquiesce. Il voulait bien faire cette « fleur » à Akatsuki même si en réalité, de toute façon, il n’en aurait probablement parlé à personne. Sensui ne faisait pas l’étalage de ses affaires, en général…

Ceci-dit, alors que des pas se font entendre dans les escaliers, Sensui tourne les yeux dans cette direction. Et c’est effectivement Seijûrô qui en descend, noble, le port altier… Habillé en surface d’un linge blanc semblable à un kimono, ce qui lui fait un peu bizarre en soit. Ha… Sen et ses goûts en matière de fringue… Y avait qu’à voir son vieux complet trois pièces pour comprendre son regard un rien critique sur cette tenue qui pourtant n’allait pas si mal à son fils ! Décidément, personne ne trouvait réellement grâce à ces yeux ce soir, à ce niveau !

Sei’ se présente… Puis menace, comme un enfant cruel qui aurait trouvé un nouveau jouet.

๑ Yoshitsune a vraiment très mal fait son boulot, il faut croire... Et tu n'es pas assez futé pour apprendre par toi-même les bonnes valeurs.

Très cruel… Puisqu’il avait visiblement décidé d’appuyer sur les bons boutons pour faire sortir Akatsuki de ses gonds. Néanmoins… Sensui n’intervient toujours pas, pour le moment, se contentant de regarder son fils se faire les dents, comme au bon vieux temps… ! Il avait néanmoins tiqué à ce « Yoshitsune » qui lui rappelait de désagréable souvenir, décidément…

๑ À l'avenir, tu retiendras ta langue sale en présence de Sensui !

S’il avait encore eu le réflexe de soupirer, nul doute que Sensui l’aurait fait à cet instant précis. D’aise, évidemment ! Quoi qu’il n’ait jamais eu besoin de personne pour se défendre –et on s’en rendait vraiment compte à ce moment précis- Seijûrô avait toujours eu (ou presque) cet instinct protecteur vis-à-vis de lui, grondant en direction de ses ennemis et se mettant entre eux et lui comme s’il avait été celui des deux le mieux capable de gérer un débordement de ce genre.

Seijûrô continu de disputer, tâchant de faire entrer quelques leçons de savoir vivre dans cette tête de pioche qu’était Akatsuki et finalement, il revient vers lui, étirant une main pour caresser sa joue et, vraisemblablement, en retirer un peu de sang. C’était un geste qui n’avait rien de superficiel et qui, s’il avait été fait après un repas partagé aurait même pu être empli d’une certaine sensualité.

๑ Si tu veux que je t'en débarrasse...

Sensui à un sourire, venant caresser la main sur sa joue alors qu’elle s’écarte et lui-même vient repousser une longue mèche ébène derrière une haute épaule, assurant :

๑ M’en débarrasser : non. Mais tu pourras toujours le faire sortir par la porte arrière. Je crains qu’avec le nombre de blessure, il ne puisse pas assez soigner sa rotule et ses côtes pour supporter son poids. Et puisqu’il ne veut pas manger ici, qu’il aille se soigner dehors…

A la merci d’autres prédateurs. Sensui connaissait bien le principe de la régénération et savait très bien l’appliquer. Et il avait une relative idée du temps que ça prendrait à Akatsuki. Avec et sans sang. Puis finalement, se ré-adressant à celui-ci, il lui assure :

๑ Nous n’en parlerons pas. Si tu ne nous y oblige pas.

Oui… Il parlait pour Seijûrô aussi… Sauf qu’à la différence de ce « Yoshitsune », lui avait bien éduqué son fils ! Et pour accompagner la question que son fils a pour le chanteur, Sensui demande :

๑ Te plaît-il ?

Il sort ensuite les deux billets qu’Akatsuki lui avait donné, les proposant à Sei’ :

๑ Il est musicien et chanteur. Tu connais ? Ce sont des billets pour son prochain spectacle s’il t’intéresse. Sinon je trouverais quoi en faire…

Les échanger contre… Peu importe quoi. Il trouverait bien. Et en revenant encore à Akatsuki :

๑ J’espère que tu es capable de saisir l’opportunité qui t’es offerte de faire profil bas. Peu d’êtres peuvent se vanter d’avoir atterrit ici et d’en être ressortit vivantes…

La dernière à être descendu, c’était cette serveuse qu’il avait dût lui-même tuer par la force des choses… Le jour où il avait brisé quelques côtes à Seijûrô histoire de lui donner une bonne leçon. Comme quoi décidément, lui savait encore se montrer sévère avec sa progéniture quand il le fallait… Et savait comment se faire écouter… Non ? Si. Et d'ailleurs, plus que jamais, Sensui trouvait Seijûrô... Parfait ! Mais il ne faudrait pas parler de régénération... Ca gâterait son plaisir !

S'il y a bien quelque chose que Seijûrô peut admirer chez ce vampire fort impudent, c'est au moins la volonté qu'il met dans la préservation de sa fierté. Il était évident, alors qu'il essaie de garder bonne figure, que le vampire souffrait. L'intention n'était néanmoins pas de le lui dire. On ne félicite pas un chien qui vient de faire pipi sur la moquette, même s'il vous apporte le journal juste après... Seijûrô ferme brièvement les yeux, ignorant finalement cet homme bien particuliers pour se concentrer uniquement sur les doigts fins qui glissent sur les siens un court moment. Lorsqu'il rouvre son regard en oeil de chat, c'est pour le poser sur Sensui avec une dévotion qu'il n'aura jamais pour personne d'autre. Puis, beaucoup plus calme, il en revient à Akatsuki, l'observant un long moment sans piper mots alors que Sensui lui explique qu'il n'avait pas besoin d'en arriver à un extrême quelconque avec le vampire. Non, il ne se frustre pas alors qu'Akatsuki le traîte de gamin. Le nombre de fois où on lui avait reproché son âge, il ne les comptait plus... C'était comme la mélodie grinçante d'une vieille porte battante ; on n'y prête plus attention au bout d'un moment, par habitude, malgré le son désagréable pour l'oreille.

Sensui coupe cependant court aux menaces de Seijûrô en assurant que dans l'état, ils n'allaient ni l'un, ni l'autre, porter attentat à la réputation d'Akatsuki en dévoilant les événements de ce soir. Hm... Lui n'était pas d'accord, mais ne pipe pas mot, se soumettant à cette décision. De fait, pour marquer qu'il allait suivre cette demande implicite, Sei' a un petit mouvement de la tête vers le vampire agonisant. Mais devant qui se croit-il, ce type, alors qu'il parle de la « clémence » de Sensui ? C'était bien là la preuve qu'il ne savait trop à qui il avait affaire et ça fait doucement rire le grand vampire à la crinière d'ébène. Un rire railleur auquel il met rapidement fin.

« Quelle chance, Sensui. », murmure lentement Seijûrô, son sourire carnassier dévoilant la petite pointe d'une canine acérée. « Il te doit une faveur. Vos chemins sont donc destinés à se recroiser. »

Puis, Sensui demande carrément si Seijûrô plaisait à Akatsuki et ça l'amuse, forcément, bien que cette fois, il ne le montre pas particulièrement. Toutefois, le sombre vampire tique un peu lorsque l'autre parle de lui comme s'il était une quelconque peinture que Sensui aurait faite de ses blanches mains. Certes, ce n'était pas totalement faux... mais c'était un peu difficile pour l'orgueil d'être contemplé comme une oeuvre d'art, immobile, sans volonté propre. Surtout pour un homme de fierté et de contrôle comme Seijûrô ! C'est peut-être justement cette fierté qui parle lorsque, sans regarder le moins du monde les billets tendus, le fils de Sensui les refuse d'une main, l'air grave. De toute façon, il affichait presque toujours une tête d'enterrement pour un oui ou pour un non... Ce n'est pas son père vampirique qui allait s'en inquiéter présentement. Est-ce qu'il connaissait le répertoire de l'artiste qu'il avait présentement devant lui ? Non. Mais Seijûrô n'écoutait que peu de musique, celle-ci n'étant pas essentielle à son bien-être. De fait, il n'était pas non plus curieux à l'excès.

« Donne-les à Inoue, qu'il sorte sa poule de luxe... », fait Seijûrô, sur un ton légèrement railleur.

Allons donc. Il était le seul qui, de son poste d'observation dans le fond du Bloody Sunday ait remarqué la façon dont le mystérieux informateur contemplait Murakami ? Si seulement il pouvait les débarrasser de cette petite dinde, Sei' lui en serait éternellement reconnaissant ! Murakami lui gâchait gravement son paysage, c'est un fait. Quoiqu'il en soit, pour le moment, on réclamait son attention ailleurs et d'un mouvement positif de la tête, le grand vampire mentionne ainsi qu'effectivement, il allait raccompagner Akatsuki jusqu'à la sortir. Et sans repasser par l'étage supérieur, merci bien... Il tourne brièvement la tête vers Sensui, l'observant un court moment avant de se pencher à son oreille effilée.

« Ça ne sera pas long. », assure Seijûrô, n'ayant visiblement pas l'intention de s'éterniser. « Si tu as terminé ta petite virée nocturne, tu m'attends à ma table ? »

Puis, il se détourne, son long simili-kimono ouvert claquant brièvement sur ses talons alors qu'il s'approche du vampire blessé. Sans grand soin, il le prend par le bras, ne ralentissant pas le pas tout en se dirigeant vers une porte camouflée par des hautes rangées de caisses d'alcool. Est-ce que Akatsuki avait cru qu'il aurait une escorte digne de ce nom ? Seijûrô ne jouait pas les scouts aidant les grands-mère à traverser une rue. Il voulait que ce soit réglé vite fait, bien fait. Toutefois, lui qui est habituellement si silencieux ne peut s'empêcher d'ouvrir la bouche cette fois.

« Comment ça « plus ou moins satisfait » ?! », demande Sei', grognant un peu. Eh ! Il était piqué, quoi ! Depuis quand le trouvait-on « plus ou moins satisfaisant » ? C'était insultant au possible ! « Quoi qu'il en soit, j'espère pour toi que tu comptes t'entraîner à être un peu plus respectueux entre temps, car si nous nous rencontrons à nouveau et que tu laisses traîner ta sale langue, ça ne se passera pas mieux... »

Voire, ce serait pire, forcément. Là, Sensui avait fait tout le boulot. Certes, Seijûrô n'aurait pas dût parler ainsi à un vampire plus aîné que lui... Mais tous savaient depuis longtemps qu'il était un peu effronté.

« Et comment est-ce que tu vas chasser, Superman ? », raille un peu Sei', sachant fort bien que dans son état, il allait devoir user de beaucoup d'imagination. Lui-même avait eu du mal avec des côtes cassées... Alors là... « Sensui t'a proposé son aide pour ce faire. C'est-à-dire la mienne aussi. Es-tu sûr de ne pas vouloir mettre la fierté de côté deux secondes ? »

Mais s'il lui répondait par la négative, le fils Kuromiya n'allait pas insister. Il savait ce qu'on était capable de faire par orgueil... Il était exactement pareil.

« Penche-toi. »

Et au même moment, ils sortent dans l'air un peu plus frais de cette nuit plutôt calme par une porte un peu basse, signe que le Bloody Sunday n'avait pas de vieux que ses alcools.

Il n'avait pas ressentit ce petit « plus ». Quelle idée... En même temps, Sei' n'avait pas vraiment essayé de faire son petit effet. Et quand bien même l'aurait-il fait qu'il ne s'attendait pas à ce qu'Akatsuki en ait des palpitations. Façon de parler, bien sûr, vu l'état de mort certain dans lequel se trouvait le corps des vampires... C'était peu glamour présenté ainsi, mais Seijûrô ne faisait que très rarement dans la dentelle, après tout. Quoi qu'il en soit, lorsque le vampire lui fait remarquer qu'il lui manquait ce « petit quelque chose », Sei' se contente de lever les yeux au ciel. Ça va. Il allait survivre à ça, fallait pas croire. Du coup, il était beaucoup moins piqué, malgré tout ! La raison lui semblait tellement futile, voire complètement floue !

« Quoi donc ? Les bouffées de chaleur ? Les papillons dans l'estomac ? », demande Seijûrô, moqueur. « Épargne-moi ton baratin. »

Il lève les yeux au ciel tout en croisant les bras sur son torse, observant de haut en bas ce petit homme qui se permet de lui dire de rembarrer ses conseils. Enfin... vrai que sur le principe, vu l'affection qu'avaient les vampires pour la hiérarchie par l'ancienneté, Seijûrô n'aurait probablement pas dût parler ainsi à un aîné. Mais le sombre vampire n'avait jamais vu les choses de cette façon et ce n'est certainement pas ce soir que ça changerait. De fait, il se contente d'afficher un petit sourire carnassier, celui-ci accompagné d'un éclat de rire si bref qu'on pourrait le prendre pour un grognement moqueur. Son comportement n'avait assurément rien de digne dans le monde de la nuit, mais Seijûrô n'était pas homme à se plier à la volonté de qui que ce soit... sauf celle de Sensui, il va sans dire.

De fait, il se contente de bousculer un peu Akatsuki là où la ruelle débouche, à quelques mètres d'où ils se tiennent encore. Le petit vampire tente d'insulter ; en vain. Sei' lève une fois de plus les yeux au ciel.

« Je ne m'inquiète de rien du tout. Je n'ai seulement pas envie qu'on te trouve encore à traîner ici comme une loque demain soir. », assure-t-il avec flegme, avant d'avoir un petit regard circulaire à l'endroit où ils se trouvaient. « Encore que je ne sais pas trop où tu pourrais te traîner pour échapper au soleil. Ça pourrait être amusant de voir ta sûrement belle imagination à l'oeuvre, mais Murakami va encore se plaindre qu'il doit balayer la ruelle si tu échoue. »

Et où allait-il le prendre, son sang ? Dans une banque qui fournissait ce genre de liquide précieux ? Eurk... Seijûrô refusait de ne pas boire à la source, pour sa part, et croyait fortement que n'importe quel vampire qui se respecte était de son avis. Oui, il avait des idées bien arrêtées sur ce qui était digne pour un membre de la large communauté qu'ils formaient. Tel père, tel fils, disait-on... Et les deux formaient parfois un étonnant juste milieu tant leurs exigences étaient présentes à différents endroits. Quoi qu'il en soit, Sensui n'était pas là pour tempérer Seijûrô et franchement, il ne l'aurait probablement pas fait ce soir car ça n'en valait guère la peine. Et voilà que... ce vampire prend une inspiration. Il avait bien vu ? C'était quoi, ce plan ? N'avait-il pas déjà réduit à néant ces instincts de « gamin » ? Seijûrô n'en avait déjà presque plus, pour sa part... et ne soupirait que pour démontrer un certain agacement. Parfois, le langage corporel était primordial.

Un sourire mi-amusé, mi-moqueur étire ses lèvres fines alors que son vis-à-vis insulte à nouveau, sans pour autant réussir à frustrer Seijûrô. De toute façon, ce n'était peut-être pas le but... le jeune vampire n'en savait rien et s'en fichait un peu présentement.

« C'est trop d'honneur. », murmure Seijûrô, peu crédible. « Mais je rendais seulement service à Sensui en sortant les poubelles. »

Il fallait appeler un chat un chat, après tout... Puis, voilà que de toute façon, le vampire réplique à propos de cette ... chose qu'il voulait voir chez lui et qu'il n'avait pu sentir ce soir. Allons donc ! Seijûrô a un nouveau sourire qui se veut indulgent.

« Quoi donc ? », demande-t-il, une petite pointe de mépris moqueur dans la voix. « Ah oui... J'oubliais. Le grand frisson. La prochaine fois qu'on se voit, essaie au moins de tenir sur tes pieds. Ce sera un assez grand défi pour l'instant. »

Ses airs supérieurs disparaissent néanmoins un moment alors que le petit vampire lui assure que son père attendait. Sei' acquiesce, jetant un petit regard à la porte derrière lui avant d'en revenir à Akatsuki. Il y a un petit moment de silence entre eux avant que finalement, le fils Kuromiya ne daigne ouvrir à nouveau la bouche, laissant cette fois la moquerie au vestiaire.

« Si tu veux éviter la grande rue, passe par l'autre côté de la ruelle. Il y a un petit espace entre deux murs dans lequel tu pourras te glisser. Tu auras la paix pour aller... peu importe où tu peux aller. », explique Seijûrô, d'une voix qu'il veut désintéressée. « Bonne soirée, pour ce qui en reste. Ne viens plus ici si c'est pour embêter Sensui. Il a d'autres chats à fouetter que de refaire ton éducation. »

Et dans un claquement du long tissu soyeux de son kimono détaché contre ses talons chaussés de cuir noir, Seijûrô se détourne d'Akatsuki pour se glisser furtivement par la porte arrière du Bloody Sunday. Quelle rencontre...

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