Marie était d’humeur festive, en cette belle soirée qui ne faisait que de commencer. Un sourire avait éclairé son visage lorsqu’elle avait allumé son ordinateur, allant fébrilement découvrir les fraîches nouvelles que lui avait envoyées Charlotte. Et quelles nouvelles ! La Française avait littéralement explosé de joie en lisant les quelques mots inscrits à l’écran, comme s’il s’agissait là du plus beau de tous les cadeaux que qui que ce soit puisse lui faire. Et pour cause.. Il était écrit que sa douce mère, qu’elle n’avait plus revue depuis un peu plus de 21 ans, maintenant, viendrait lui rendre visite prochainement ici, au Japon. Cette nouvelle qu’elle avait attendue depuis tellement de temps s’étalait devant ses yeux, avec la délicatesse de la plume de Charlotte. C’était tellement improbable et pourtant, la jeune vampire savait que sa mère ne lui aurait pas menti sur quelque chose d’aussi important. Elle avait simplement omis de lui donner une date précise, certainement intentionnellement. C’était bien son genre, tiens, de la faire espérer et attendre, comme ça ! Mais ce n’était pas le plus important.. Non, dans un avenir proche, elles allaient se revoir. Et c’était tout ce qui importait.. Inutile de dire que Marie ne tenait plus en place, caressant en souriant la photo de sa mère – reçue par e-mail, c’était une petite habitude qu’elles avaient prises – qu’elle avait encadrée et posée bien en évidence sur son bureau. Oh, bientôt, elle pourrait le faire réellement. Elle pourrait réellement caresser ce visage doux, tendre et empli de tolérance. Il y a des liens, comme ça, qui ne s’expliquent pas. Et le lien qu’il pouvait y avoir entre Beaudoire Marie et Beaudoire Charlotte était bien trop fort pour être réellement expliqué. C’était de l’amour, puissant et indestructible. Une affection toute particulière. Pour Charlotte, Marie aurait été prête à tout sacrifier, à tout envoyer valser.. Oh ! Elle pourrait lui présenter Izumi, lui montrer à quel point ce vampire pouvait être exceptionnel ! Oui, lorsqu’elle pensa à la personne qu’elle voulait absolument lui présenter, Marie avait directement pensé à Izumi. Malgré le lien qui l’attachait à Vivian, le simple fait d’avoir revu le jeune vampire pendant ce bal l’avait empli de doutes.

Elle ne pouvait pas ignorer qu’elle l’avait aimé, lorsqu’ils avaient voyagé ensemble. Elle ne pouvait pas oublier qu’Izumi savait lui faire oublier ses problèmes et la faire sourire. C’était tellement le bordel. Entre le vieux et le jeune vampire, elle ne savait plus où donner de la tête. Il fallait l’avouer ; ils étaient tous deux magnifiques. Et elle aimait passer du temps avec l’un et l’autre. Mais enfin, Vivian s’était déclaré.. Ce qui n’était pas le cas d’Izumi. Il ne l’aimait probablement pas comme la Parisienne l’aurait voulu, après tout.. Néanmoins, pousser par elle ne savait quelle inspiration, la Française cliqua sur « Répondre » et commença à rédiger un e-mail à l’intention exclusive de sa mère, tout en se demandant où elle pouvait bien être à cet instant précis. Mais là n’était pas la question. Sans même qu’elle s’en aperçoive, ses doigts faisaient pour elle comme un choix. Elle essaya de ne pas donner d’importance aux mots qu’elle écrivait, mais les phrases – en bon vieux français – qui s’étalaient devant ses yeux ne faisaient aucun doute. Elle aurait besoin d’avoir une discussion avec les deux vampires. Une discussion sérieuse. Elle envoya le mail rédigé, tremblant presque lorsqu’elle cliqua sur « Envoyer » et se leva, pour éteindre son ordinateur. Si sa bonne humeur n’avait pas été atteinte par ces quelques pensées s’étant sournoisement glissées dans son esprit, elle avait néanmoins besoin de sortir, pour ne pas les ressasser. Elle était comme ça ; lorsque quelque chose n’allait pas, elle ne pouvait s’empêcher d’y penser, encore et encore et de retourner le problème dans tous les sens, quitte à en devenir complètement dingue. Elle savait très précisément où elle voulait se rendre. C’était déjà une bonne chose. A la hâte, de peur que le petit magasin qu’elle affectionnait ne ferme avant qu’elle pu rendre une petite visite à son gérant, elle se prépara, laissant consciemment ses cheveux retomber en cascade ondulé sur ses épaules.

Puis elle sortit. Aussi simplement que ça, les cheveux au vent et un sourire aux lèvres. Ça n’avait rien de très compliqué. Elle arpenta les rues, prenant le métro, discutant avec quelques inconnus joyeux.. Elle se sentait terriblement légère. Plusieurs fois, elle faillit oublier de cacher ses crocs, alors qu’elle riait en ouvrant grand la bouche à des blagues douteuses, mais se rattrapa de justesse en plaquant ses mains devant ses lèvres. Lorsqu’elle pu enfin descendre du métro et se rendre à l’endroit qu’elle avait prévu d’atteindre, elle pria pour que le lieu ne soit pas fermé. Elle a eu la joie de constater que ce n’était pas le cas et pénétra dans le petit magasin de vin plein de charme et de raffinement. Le « Innocent X » se nommait-il. Et Marie avait eu la chance d’y rencontrer un humain charmant et attentif, avec lequel elle pouvait parler de la France en long, en large et en travers. La petite clochette de l’entrée résonna délicatement dans l’espace vide qu’offrait l’accueil du magasin, tandis que le patron ne tarda pas à montrer le bout de son nez, en souriant chaleureusement après avoir salué la demoiselle dans un bon vieux français que la Parisienne ne pouvait qu’apprécier.

« Bonsoir, Sasori. J’espère ne pas te déranger. » Répondit-elle, également en français.

La rassurant sur ce point, il lui demanda comment elle allait et l’invita à s’assoir prêt du comptoir. Le vampire ne se fit pas prier, souriant au caviste avec sincérité et hochant doucement la tête, juste avant de reprendre la parole. En Japonais, cette fois-ci. Langue qu’elle trouvait absolument magnifique et qu’elle était extrêmement heureuse de maîtriser, malgré sa complexité.

« Je vais bien, je te remercie. Qu’en est-il de toi ? »

Murasaki Sasori, l’homme devant lequel Marie était assise, était un humain que la demoiselle affectionnait beaucoup. Ils ne s’étaient pas beaucoup croisés, mais chacune de leur rencontre avait été riche et intéressante. Il était donc tout à fait normal que Marie puisse apprécier le caviste. Il était, après tout, absolument charmant. Bien élevé, respectueux et s’intéressant de très prêt à la France et l’histoire de ce beau pays, il avait – avouons-le – d’immenses qualités que la Parisienne savait apprécier. Oui, elle aimait venir passer du temps avec le caviste, malgré le fait que ce dernier lui soit presque totalement inconnu. Elle savait qu’elle passait toujours, en sa compagnie, des moments inoubliables et absolument géniaux.. Un petit sourire taquin étira délicatement les lèvres de la jeune femme, tandis qu’elle se penchait pour regarder ce que fabriquait son interlocuteur derrière le comptoir, telle une enfant trop curieuse aussi discrète qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. N’y tenant plus, elle fini par ouvrir la bouche, laissant sortir une voix trahissait un certain intérêt pour les secrètes activités auxquelles s’adonnaient le caviste, bien caché derrière son meuble.

« Auriez-vous reçu du nouveau vin, Monsieur le Caviste ? Si tel est le cas, il ne serait pas très aimable à vous de ne pas en proposer à votre invitée, n’est-ce pas ? »

Elle plaisantait, bien entendu. Le ton de sa voix et la tournure de ses phrases l’indiquait très clairement. Elle avait envie de taquiner un peu le Japonais. C’était souvent ainsi, lorsqu’elle était de bonne humeur. Elle finissait toujours par taquiner son entourage. Elle n’y pouvait rien, elle n’en faisait pas exprès. C’était plus fort qu’elle.. Et puis, au fond, s’il lui proposait du vin, elle ne saurait le refuser. Ce liquide avait la couleur du sang, et la senteur de la plus douce des boissons. Oui, elle goûtait avec son odorat, ne pouvant plus le faire avec ses papilles. Et oui, également, elle appréciait grandement le vin. Elle se souvenait brièvement de quelques repas pris chez les parents de son époux, lorsque ceux-ci lui proposaient une petite goutte – qui s’avérait souvent être un demi-verre plein – de ce liquide précieux pour accompagner quelques aliments raffinés. Elle avait même eu le plaisir – et ce fut le seul – pendant son mariage, de goûter à un vin exceptionnel. De ces vins n’existant malheureusement plus à notre époque..